05/07/2012
Le séjour irrégulier d’un étranger justifie-t-il son placement en garde à vue ? Ce jeudi, la Cour de cassation a répondu par la négative. Suivant l’avis de la chambre criminelle rendu il y a un mois, cette décision de la première chambre civile de la haute juridiction oblige le gouvernement à créer un nouveau dispositif pour les sans-papiers soumis à une procédure d’expulsion.
Cette décision, qui concerne 60 000 personnes par an, est considérée comme «absolument fondamentale», par Me Patrice Spinosi, avocat de l’association d’aide aux étrangers Cimade. Selon lui, elle signifie que «le regard de l’ensemble de la société française a vocation à changer pour les sans papiers : il a été affirmé clairement qu’ils ne peuvent plus être assimilés à des délinquants».
Procédure administrative et non plus pénale
La pratique de la garde à vue est remise en cause par les associations de défense des étrangers, notamment depuis que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, en avril puis en décembre 2011, deux arrêts affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne peut être emprisonné sur ce seul motif. Par ailleurs, la réforme entrée en vigueur en France au printemps 2011 limite le recours à la garde à vue aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement.
Le précédent gouvernement avait jugé l’arrêt de la CJUE compatible avec la pratique de la garde à vue. Sur le terrain, les tribunaux rendaient des décisions contradictoires, tantôt favorables aux étrangers, tantôt non. Désormais, les personnes sans-papiers «doivent certes être raccompagnées (à la frontière) puisqu’elles ne sont pas dans une situation légale en France, mais elles doivent l’être dans le cadre d’une procédure administrative et non plus pénale» et «dans le respect du droit européen», souligne Me Spinosi.
Le gouvernement devra soumettre une nouvelle loi
Pour remplacer la garde à vue, il existe déjà des «solutions alternatives», telles que les vérifications d’identité et les auditions libres, mais elles sont limitées à quatre heures. Il est donc «nécessaire qu’une réforme fondamentale soit engagée sur cette question», estime l’avocat de Cimade. Selon lui, il faudra «une nouvelle mesure de pré-rétention administrative, qui permettra d’arrêter la personne et de vérifier son identité, pendant une durée de huit à dix heures maximum», puis «le cas échéant, d’enclencher la procédure de retour».
Le ministère de l’Intérieur qui s’est préparé à cette décision devrait passer par une loi car «la voie réglementaire ne suffira pas», selon l’entourage de Manuel Valls. Un texte pourrait ainsi être préparé avec présentation au Parlement sans doute «pour la rentrée».
«Ce qu’on peut craindre, c’est que le législateur invente une procédure d’exception, dérogatoire au droit commun»,met en garde Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti), qui anticipe «une demande des parquets de chercher un délit connexe».