, Willam Molinié,
L’affaire, qui remonte à juin 2009, commence à dater. Comme souvent lorsque des policiers sont mis en cause… Le juge d’instruction de Pontoise (Val-d’Oise), a rendu lundi un non-lieu en faveur des forces de l’ordre dans l’affaire Ali Ziri, ce retraité algérien âgé de 69 ans, qui a trouvé la mort le 10 juin 2009, après un contrôle musclé de police. Dans son ordonnance, que 20 Minutes s’est procuré, le juge d’instruction écrit que «l’information n’a établi aucun acte de violence volontaire qui aurait été la cause directe ou indirecte du décès». L’avocat de la famille Ziri, Stpéhane Maugendre, a fait appel et indique qu’il utilisera «toutes les voies de recours», y compris «européennes».
Le 9 juin 2009 vers 20h, lui et son ami, Arezki Kerfali, sont interpellés au volant d’un véhicule qui zigzague sur la chaussée, boulevard Jeanne-d’Arc à Argenteuil. Visiblement alcoolisés, ils ne se laissent pas faire et le contrôle se déroule plutôt mal. Des insultes fusent. Les policiers décident alors de les emmener au commissariat pour faire un test d’alcoolémie. Mais la santé d’Ali Ziri se dégrade. Après un premier malaise, il est conduit à l’hôpital d’Argenteuil, où il arrive inconscient. Il décède le lendemain à 10h.
Une première autopsie indique que la mort est due à «des pathologies pulmonaires et cardiaques préexistantes dans un contexte d’alcoolisme aigu». Autrement dit, rien qui ne mette en cause le comportement des policiers. Au contraire, le juge d’instruction, s’interroge plutôt sur la responsabilité de l’équipe médicale. «Le délai de 40 à 45 minutes écoulé entre l’admission de Ali Ziri à l’hôpital d’Argenteuil et sa prise en charge avait contribué au décès de l’intéressé», écrit-il, faisant référence aux conclusions de l’expert.
Mais une deuxième autopsie, datée du 20 juillet 2009, révèle la présence d’une vingtaine d’hématomes et ecchymoses sur le corps d’Ali Ziri. Le docteur conclut que la victime est «décédée d’un arrêt cardio-circulatoire d’origine hypoxique par suffocation multifactorielle (appui postérieur dorsal, de la face et vomissements)».
La tête dans le vomi
Pour Me Stéphane Maugendre (avocat), il n’y a aucun doute. «Il a été soumis à la technique du pliage pendant au moins entre 3 minutes 25 et 5 minutes», explique-t-il. Interrogés par la police des polices, des témoins ont confirmé les déclarations des gardiens de la paix. Pourtant, la commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a corroboré la thèse de la famille, selon laquelle Ali Ziri serait décédé à la suite de violences policières.
«La commission considère que le fait [de les avoir laissés] allongés sur le sol du commissariat, mains menottées dans le dos, dans leur vomi, à la vue de tous les fonctionnaires de police présents qui ont constaté leur situation de détresse, pendant environ une heure est constitutif d’un traitement inhumain et dégradant», indique la CNDS. Puis, plus loin: «Cette position inadaptée et dangereuse a favorisé la survenue de fausses routes et l’inhalation de liquide gastrique ayant probablement contribué au décès de M. A.Z., voire l’ayant directement causé.» La CNDS conclut en réclamant des poursuites disciplinaires à l’encontre des fonctionnaires de police.
Jugé pour «outrage»
Ironie de l’histoire, Arezki Kerfali, l’ami d’Ali Ziri présent dans la voiture ce soir-là, sera jugé jeudi matin devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique» et «outrage». Agé aujourd’hui de 64 ans, «il a été handicapé à 60% après cette affaire», dénonce Arezki Semache, du collectif «Justice et vérité pour Ali Ziri». «C’est un homme très marqué par cette histoire dans laquelle il a perdu un ami de quarante ans. Il doit voir un psychiatre tous les jours», poursuit-il.
Mais l’affaire, qui a déjà été renvoyée à deux reprises, risque de l’être une troisième fois. C’est en tout cas ce que va demander Me Maugendre. «Il manque dans ce dossier 9 procès-verbaux faisant état de l’interpellation. Ces PV figurent dans le dossier d’Ali Ziri [encore en instruction]. C’est un peu dérangeant car pour défendre M. Kerfali, je suis obligé de trahir l’instruction et le secret professionnel du dossier de M. Ziri», indique-t-il. Le procès sera donc sans doute reporté, à moins que le juge ne décide de statuer sur une seule partie du dossier, celle concernant la conduite en état d’ivresse, qu’Arezki Kerfali ne conteste pas.