LE PLUS. Ali Ziri était un retraité algérien de 69 ans, décédé le 11 juin 2009 à l’hôpital, après une interpellation mouvementée lors d’un contrôle routier. Vendredi 12 décembre, la cour d’appel de Rennes a confirmé le non-lieu. Amal Bentousi, fondatrice du collectif Urgence notre police assassine, s’insurge face ce qu’elle estime être de l’injustice.
Des participants manifestent, le 24 mars 2012 à Paris, pour dénoncer l’impunité policière. (AFP PHOTO/J. SAGET)
Pour beaucoup, l’annonce, vendredi 12 décembre, du non-lieu dans l’affaire d’Ali Ziri, 69 ans, mort des suites d’une interpellation policière n’était qu’un article de plus, sans importance, sans incidence.
Pour moi, pour nous, familles de victimes décédées dans des circonstances similaires, cette nouvelle sonne comme un coup de marteau dans la tête, et glace le sang. Ce non-lieu arrive dans un contexte d’indignation générale face à l’impunité policière aux États-Unis.
Une colère obscure gronde
Après une lettre ouverte à Bernard Cazeneuve l’interpellant sur la situation depuis son arrivée. Après une lettre collective de familles de victimes à Christiane Taubira, et des actions sous ses fenêtres pour lui rappeler qu’il n’y a pas qu’aux États-Unis que la police tue et la Justice acquitte, et qu’il y a matière à réformer pour réparer un système qui offre un permis de tuer à des agents de l’État.
Comment recevoir cette nouvelle ? Je ne sais pas, je ne sais plus.
Aujourd’hui, je sais que tout comme à chaque fois qu’un violeur s’en sort, toutes les victimes de viol revivent leur agression et sont un peu plus ébranlées et découragées, nous, familles de victimes de crimes policiers, nous vivons chaque non-lieu comme une insulte, une gifle de la république, en même temps que nous revivons la mort de nos proches. Et en nous gronde un sentiment d’injustice, une colère obscure, avec des questionnements qui torturent.
De belles paroles qui sonnent faux
L’affaire Ali Ziri, c’est l’affaire d’un vieil homme qui ne posait aucun danger, et qui est mort des suites de son interpellation, vraisemblablement à cause de l’utilisation d’une technique d’immobilisation interdite en France, car avérée mortifère. Les éléments sont là, et accessibles à tous.
D’autres éléments, notamment vidéo, étaient accessibles. Les avocats, et même certains magistrats les ont demandés. La Justice a décidé de ne pas les prendre en compte. Inutile. « Non-lieu » déclare-t-elle. « Non événement », entendons-nous.
Nos vies n’ont-elles donc pas plus de valeur que ça ? L’État de droit n’existe-t-il donc pas, en France ?
Oui, ces questionnements torturent. La France, pays des droits de l’Homme… de belles paroles qui sonnent faux.
À force de mensonges et de protection sans faille d’assassins, de voyous en col blanc, de politiques corrompus, notre république perd toute crédibilité – aux yeux du monde comme aux yeux de son propre peuple. Car sous l’étendard des droits de l’Homme, elle donne des leçons qu’elle ne s’applique pas, et nous en sommes les premières victimes.
Inconsciente république
La France a tué une partie de moi, une partie de nous. Mais je sais que nous ne sommes pas seuls à sentir le chaos se former dans nos têtes.
Je sais que ceux qui se rassembleront samedi 20 décembre à Stalingrad à Paris se demandent aussi comment ceux qui manifestaient contre les violences policières ont été condamnés à huit mois de prison, alors les policiers qui ont tué Rémi Fraisse, Ali Ziri, Lamine Dieng, Zyed Benna et Bouna Traore pour ne citer qu’eux, continuent de travailler sous la protection de l’État.
Inconsciente république, qui oublie que l’on récolte ce que l’on sème, et ne connaît pas encore le prix des conséquences à payer.