La cour d’appel de Paris estime qu’il faut ouvrir une enquête sur d’éventuelles responsabilités de l’armée française, après le décès de migrants, au large de la Lybie en 2011.
Soixante-douze hommes, femmes et enfants étaient partis de Tripoli le 26 mars 2011, comptant rallier l’Europe en deux jours. Mais leur rêve a tourné à la tragédie : après quatorze jours dérive et malgré des appels de détresse répétés, 63 des 72 passagers ont trouvé la mort.
En avril 2012, quelques rescapés, épaulés par des associations, ont déposé plainte contre X pour non assistance à personne en danger, ciblant clairement l’armée française. Un rapport parlementaire du Conseil de l’Europe a établi que le bateau a été survolé et photographié par un avion de patrouille français, qui l’a ensuite signalé aux gardes côtes italiens. A l’époque, la zone était sous contrôle de l’Otan et la flotte française importante.
L’enquête préliminaire du parquet a abouti à un classement sans suite, et le juge d’instruction, a ordonné un non lieu. Le Gisti (groupe d’information et de soutien des immigrés) a fait appel. L’arrêt rendu mardi par la chambre de l’instruction, que nous avons pu consulter, infirme l’ordonnance, estimant que trop de questions restent en suspens : le bateau de la photo est-il bien le pneumatique bleu à bord duquel les migrants ont embarqué le 26 mars ? Est-ce bien un militaire français qui a pris cette photo depuis les airs ? Où ? Si oui, pourquoi n’y a-t-il pas eu assistance ?
Le dossier est donc renvoyé au juge d’instruction. En toute logique, une commission rogatoire devrait être délivrée. «Il faudrait que l’armée française produise ses livres de bord, afin de savoir quels bâtiments se trouvaient en Méditerranée dans le secteur de la dérive de ce bateau», commente Stéphane Maugendre, avocat des rescapés et du Gisti, association dont la constitution de partie civile est jugée recevable par la cour d’appel.
Contacté ce jeudi, le ministère de la Défense a indiqué ne «pas avoir à faire de commentaire sur une décision de justice» et «laisser la justice poursuivre son enquête».