Marie Barbier, 29/04/2009
Face à un ministre qui multiplie les contre-vérités, les associations accumulent des preuves. Accablantes.
«Contre-vérités », « mensonges », « manipulations ». Le ton est encore monté d’un cran hier entre les associations de défense des étrangers et le ministre de l’Immigration Éric Besson. À l’occasion de la sortie d’un CD-DVD de soutien aux Amoureux au ban public (lire encadré), les associations ont à nouveau dénoncé la « méconnaissance » et les déclarations « péremptoires et méprisantes » du transfuge socialiste.
En cause, les propos du ministre qui ne cesse de répéter depuis la sortie du film Welcome que le « délit de solidarité » dénoncé par les associations est un « mythe ». « Depuis soixante-cinq ans, assure-t-il, personne en France n’a jamais été condamné pour avoir – simplement hébergé, donné à manger, transporté en voiture en auto-stop un étranger en situation irrégulière » (1). Le film de Philippe Lioret a remis sous les projecteurs l’article L.622-1 du Code des étrangers qui – punit de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la – circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France ». Alors que le ministre assure que cet article de loi ne vise que les passeurs, les associations dénoncent, au contraire, une épée de Damoclès qui pèse sur quiconque se montrera solidaire d’un étranger en situation irrégulière. Preuves à l’appui.
Le 21 avril, le Groupe d’information et de soutien des – immigrés (GISTI) publie une première liste des condamnations prononcées, depuis 1986, contre des personnes ayant apporté une aide à des étrangers, la plupart du temps en les hébergeant. La liste, non exhaustive, comporte trente noms. Réaction du ministre ? « La crédibilité du GISTI en la matière est quasiment nulle. » L’association se défend dans un communiqué de presse intitulé « Le GISTI ou le ministre, qui est le moins crédible ? » Ambiance. Hier, son président, Stéphane Maugendre, a souhaité que « le débat sur la crédibilité du GISTI s’arrête là » : « Nous renvoyons monsieur Besson à nos trente ans de combats. » Et de dénoncer une « technique facile » pour éloigner le regard des citoyens sur le vrai problème : le « délit de solidarité ».
Car, sur le fond, les associations n’en démordent pas. Décidées à mettre le ministre face à ses mensonges, elles en ont remis une couche hier. Ainsi, le collectif les Amoureux au ban public, aidé de la CIMADE, a complété la liste du GISTI qui comptabilise désormais 61 noms de personnes ayant eu maille à partir avec la justice pour avoir aidé un sans-papiers. Trois ont subi de simples rappels à la loi, tous les autres ont été poursuivis en justice. Parmi ces derniers, dix ont été relaxés, 46 condamnés, dont dix dispensés de peine. On est loin des comptes du ministre…
Et ce n’est pas tout. La liste rendue publique hier par les Amoureux met en exergue la violation même de la loi : alors que l’article L.622-4 est censé protéger les concubins, l’inventaire compte 21 personnes poursuivies pour être venues en aide à leur conjoint. L’une est actuellement poursuivie pour aide au séjour – irrégulier : Jennifer Chary, appelée à comparaître devant le tribunal de Dijon le 11 mai prochain. Son compagnon, marocain, avec qui elle devait se marier, a été expulsé une semaine avant la date prévue pour leurs noces. « Si l’article L.622-1 ne concerne que les passeurs, pourquoi Jennifer Chary est-elle poursuivie ? lance Nicolas Ferran, des Amoureux au ban public. Nous demandons solennellement l’arrêt des poursuites contre elle, comme un test de crédibilité de monsieur Besson. » À bon entendeur…
(1) Sur France Inter le 8 avril dernier.