28/09/2015
Ce septuagénaire a sévi à Paris entre 1990 et 2003. Trahi par son ADN en 2012, le prédateur aux 18 victimes a été renvoyé aux assises. A retrouver aujourd’hui dans « l’Heure du crime », sur RTL.
Elles sont aujourd’hui actrices, profs d’université, travaillent dans le secteur bancaire ou la production télé. Elles ont, pour la plupart d’entre elles, une vie stable et épanouie, à Paris, aux Etats-Unis ou au Liban. Elles ne se connaissent pas, mais un même drame de l’enfance les lie. Avec 33 victimes recensées, des fillettes âgées de 7 à 13 ans, Giovanni C.est l’un des violeurs en série pédophiles présumés les plus terrifiants que la France ait connus. Arrêté en 2012 après vingt-deux ans de traque et grâce aux progrès de l’ADN, celui que la brigade de protection des mineurs (BPM) avait surnommé l’Electricien a récemment été renvoyé devant la cour d’assises de Paris pour 18 viols et agressions sexuelles sur mineurs, en raison des règles de prescription.
Les premiers faits remontent à 1990. Ce 14 février, Marion*, 12 ans, rentre du collège vers 18 heures lorsqu’elle est abordée par un inconnu dans l’escalier de son immeuble du XVIe arrondissement. « L’homme lui demandait de l’aider à dévisser une vis au-dessus d’un compteur, déroule le juge d’instruction dans son ordonnance de mise en accusation. Il la prenait par les hanches pour la soulever. Puis il lui demandait de se décontracter et lui enlevait son pull, sa chemise, son tricot de corps. » Le pervers procède alors à des attouchements, avant qu’elle ne parvienne à s’échapper. Elle donne aux policiers une description physique sommaire : le suspect est d’aspect européen, bedonnant, avec un accent et des cheveux grisonnants.
Son ADN ne parlera qu’en 2010
Les agressions suivantes révèlent un mode opératoire identique. L’homme agit toujours dans des immeubles des quartiers chics des XVIe, VIIIe ou VIIe arrondissements de la capitale, et se présente comme un électricien ayant besoin d’un coup de main pour atteindre un boîtier, une ampoule. Il propose parfois une pièce de 10 F pour appâter les enfants, qu’il emmène dans un endroit isolé, au dernier étage ou à la cave. Il n’hésite pas à gifler celles qui tentent de résister, répétant au passage qu’il ne faut « rien dire » à leurs parents. Parfois, un bruit dans l’immeuble ou l’irruption d’un voisin met fin aux supplices des petites victimes, dont le nombre grandissant permet au fil du temps de compléter le portrait du violeur : son accent est « latin », il porte un vieux béret et son âge oscille entre 50 et 60 ans.
Les différentes enquêtes, confiées à la BPM, se heurtent à cette description trop vague. Seul indice : un ADN masculin de mauvaise qualité, retrouvé sur les vêtements de quatre plaignantes agressées en 1990, 1991 et 1994. Mais il faudra attendre 2001 et les progrès de la science pour déterminer qu’il s’agit là d’un seul et même suspect, puis 2010 pour parvenir à isoler un réel profil ADN, inscrit dans la foulée au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Dès lors, les policiers sont certains qu’ils ont bien affaire à un pédophile en série. Et qu’ils pourront le confondre dès son prochain méfait.
Il nie, évoquant un complot
Mais, entre-temps, l’Electricien s’est fait oublier : aucune plainte susceptible de correspondre à lui n’a été enregistrée depuis 2003. C’est finalement une banale altercation qui va faire basculer l’enquête. Le 16 avril 2012, la police du XVIe arrondissement est appelée pour une bagarre entre voisins rue Lesueur. L’homme qui a porté les coups s’appelle Giovanni C. Déjà condamné et incarcéré pour de nombreux cambriolages, ce marginal italien de 74 ans est placé en garde à vue, où son ADN est prélevé et envoyé au FNAEG. Il est condamné dans la foulée à un mois de prison avec sursis et ressort libre. Quelques semaines plus tard, le FNAEG livre son verdict : le voisin violent de la rue Lesueur et l’Electricien ne font qu’un.
Ce coup de chance se double d’un ultime coup du sort : SDF, Giovanni C. était hébergé gracieusement au moment de la querelle de voisinage. Son logeur n’a plus de nouvelles de lui, mais il connaît ses habitudes de marginal. Le 29 octobre 2012, le suspect est enfin arrêté dans un square du IXe. Placé en garde à vue puis incarcéré, il balaye toute accusation de pédophilie, évoquant un complot impliquant une mystérieuse « policière italienne ». Les investigations montrent pourtant qu’aucune agression n’est survenue pendant ses périodes d’emprisonnement. Et Giovanni C. indique aux policiers que pour commettre ses cambriolages il se fait ouvrir l’accès aux immeubles visés en se présentant… comme un électricien.
Réentendues par la police l’an passé, la totalité des victimes n’avaient rien oublié de leur agression. Si beaucoup ont surmonté le traumatisme, certaines décrivent une anxiété diffuse, une peur des hommes, voire des épisodes dépressifs. A ce jour, seules huit d’entre elles ont souhaité se constituer partie civile afin de faire reconnaître leur statut de victime. Parmi celles qui ont préféré définitivement tourner la page, Loubna*, 7 ans à l’époque de son agression en 1991, a néanmoins répondu à la demande d’audition des policiers, et fait face à son bourreau, comme le souligne la juge d’instruction dans son ordonnance : « Présenté dans un groupe et derrière une glace sans tain, Loubna reconnaissait formellement Giovanni C., dont elle avait en mémoire le regard. »
* Les prénoms ont été changés.