Émilie Rive, 23/04/2009
Le ministre soutenait qu’aucun particulier n’avait été condamné au titre du délit de solidarité. Un mensonge démonté, preuves à l’appui, par l’association.
La publication, par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), d’une première liste de personnes condamnées au titre du « délit de solidarité » a fait violemment réagir le ministre de l’Immigration. À l’occasion des manifestations du 8 avril contre le fameux article L. 622-1, Éric Besson avait, dans une lettre, affirmé qu’en « soixante-cinq années d’application de la loi, personne, en France, n’a jamais été condamné pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé, un étranger en situation irrégulière ». Et il avait précisé que « toute personne, particulier, bénévole, association, qui s’est limité à accueillir, accompagner, héberger des clandestins en situation de détresse, n’est donc pas concerné par ce délit ».
Le GISTI, en réponse, a commencé à rechercher les condamnations qui confondent le ministre et vient de rendre publique une liste de 32 personnes, avec le motif de la condamnation, depuis 1986. Celles qui ont obtenu une relaxe ou un non-lieu n’ont pas été prises en compte, même si elles ont pourtant été « inquiétées » et ont subi intimidations, convocations à la gendarmerie ou au commissariat, gardes à vue, mises en examen, perquisitions à domicile… N’ont pas été retenus non plus les rappels à la loi et les poursuites en cours. Le « délit » le plus courant est l’hébergement, mais on trouve aussi du transport en taxi ou de l’aide dans des démarches administratives. La liste n’est pas exhaustive et le GISTI demande à chacun de lui signaler les cas dont il aurait connaissance sur le mail suivant : solidarite@gisti.org.
Tout cela, ajouté à l’accusation de menteur qui en découle, a donc mis en colère le ministre, qui, hier, sur RMC, a affirmé que « la crédibilité du GISTI en la matière est quasiment nulle… Chaque fois que je me suis penché avec détail et avec mes services sur les affirmations du GISTI, elles se sont quasiment systématiquement révélées fausses… Ils avaient dit depuis deux mois qu’ils apporteraient la preuve que, contrairement à ce que j’affirmais, des bénévoles humanitaires avaient pu être inquiétés. Or, dans leur propre liste, il n’y a aucun bénévole. »
Sur la crédibilité du GISTI, son président, Stéphane Maugendre, remarque que « la réputation du GISTI se suffit à elle-même » et qu’« à la limite, ça ne vaut même pas une réponse ». Rappelons que l’association est composée de professionnels du droit et que sa spécialité est l’expertise du droit des étrangers. Sur le deuxième aspect, Jean-François Martini, militant et avocat au GISTI, renvoie le ministre à son propre texte : « Lui-même parlait de bénévoles, mais aussi de particuliers. Notre première recherche a fait apparaître des particuliers désintéressés. Au départ, tout le monde était concerné par la loi. Quand elle a été utilisée contre des membres de la – famille, on a commencé à mettre en place une immunité pour les ascendants, les descendants, les conjoints, puis les concubins, les frères et soeurs, et maintenant, on voit des condamnations de cousins ou de neveux. Il y aura toujours une personne hors de la liste qui sera intervenue de manière désintéressée. Ce qui montre bien qu’Éric Besson a menti en disant que cette incrimination était simplement réservée aux négriers des temps modernes. La seconde étape de notre action va être de publier une liste de jurisprudences pour prouver qu’il y a bien eu condamnations de particuliers. »
La liste des condamnés ne concerne que les personnes visées par l’article sur l’aide à l’entrée et au séjour. Mais « l’entrave à la libre circulation d’un aéronef » pour empêcher une expulsion est aussi un délit de solidarité, comme les actes de rébellion ou de diffamation de la part de militants de Réseau éducation sans frontières (RESF) qui envoient des mails au ministre de l’Immigration. Le champ de la solidarité à l’égard des étrangers est vaste, mais la gamme des délits pour la réprimer ne l’est pas moins.