Sous pression, Johanna la prostituée n’a pas voulu dire qui se trouvait à bord du véhicule des meurtriers de Catherine Choukroun
Ce soir-là, qui était dans la voiture ? » Le président Jean-Pierre Getti tonne. A la barre des témoins, Nathalie Delhomme, alias Johanna la prostituée, chancelle, mais ne moufte pas. «Vous avez prêté serment!», explose le président. Puis, d’une voix ferme : «Aujourd’hui, c’est jour de vérité, madame. » Johanna reste bouche bée, face au président qui la mitraille du regard. Un long silence s’installe alors dans la salle d’audience. On n’entend plus que le bourdonnement d’une chaufferie lointaine.
Le témoignage de Nathalie Delhomme était très attendu, hier, par la cour d’assise de Créteil, qui juge en appel le meurtre de sang-froid, en 1991, du gardien de la paix Catherine Choukroun. Témoin numéro 1, Johanna a reconnu avoir assisté au crime.
Cette nuit-là, Catherine Choukroun et son co-équipier sont stationnés sur le bord du périphérique parisien, porte de Clignancourt. Une voiture s’arrête à leur niveau, deux coups de feu sont tirés et la policière meurt sur le coup. En première instance, l’année dernière, l’ex-prostituée est acquittée. Marc Petaux (alias Marco) et Aziz Oulamara (alias Jacky), gros bras dans la rue Saint-Denis à Paris, considérés comme le conducteur et le passager du véhicule, sont tous deux condamnés à 20 ans de réclusion, sans que la lumière ne soit faite sur les circonstances exactes du crime.
« J’ai peur, depuis des années »
Au lendemain de ce verdict, Johanna écrit une lettre à Marco: «Je sais que tu es innocent… D’ailleurs, si j’avais su que tu étais le conducteur, je ne serais certainement pas montée dans cette voiture. » A l’époque, en effet, Johanna et Marco « ne peuvent pas s’encadrer ». Aujourd’hui, à la barre, Nathalie Delhomme, le visage rougeaud, semble pourtant incapable de réitérer ces affirmations. Elle ne peut pas davantage mettre en cause ou innocenter son compère Aziz. « J’ai peur, depuis des années, peur de n’importe quoi et de n’importe qui, et surtout des gens de la rue Saint-Denis, souffle-t-elle. Ça bouffe ma vie…»
La jeune femme se revoit «avachie» sur la banquette arrière de la voiture, « complètement camée ». Elle raconte la voix chargée de sanglots :«A un moment, on est sur le périph, je sors de ma torpeur et je comprends vaguement qu’il se passe quelque chose de grave. La fenêtre passager est ouverte et je sens de l’air frais. » C’est tout ce dont elle se souvient aujourd’hui : malheureusement pour le jury, rien de neuf. « Comment vous croire, s’impatiente le président, vous avez changé vingt fois de version!»
A demi-mot, Johanna laisse entendre qu’« on » pourrait « lui faire encaisser » le meurtre de son ancien mac, décédé en 1987, si elle ne dit pas «ce qu’on attend ». Le président résume : « Tout le monde se tient par la barbichette dans cette histoire!»