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Justice . La Cour de cassation recommande de s’aligner sur la jurisprudence européenne.
Voilà qui pourrait faire baisser le nombre de gardes à vue plus sûrement qu’une loi. La chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé dans un avis rendu mardi que le séjour irrégulier d’un étranger ne peut suffire à son placement en garde à vue. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers d’entre elles sont pourtant décidées faute de titre de séjour (60 000 selon le Gisti, association de soutien aux immigrés). La Cour de cassation s’aligne sur le droit européen et sa lecture de la directive dite «retour» : être en situation irrégulière ne constitue pas un délit pénal et ne peut être le motif d’un emprisonnement.
«Rétention». L’avis, qui n’est pas définitif, n’empêchera pas les reconduites à la frontière. Mais, s’il est confirmé, les policiers ne pourront plus enfermer pendant vingt-quatre heures, voire quarante-huit, des étrangers en attendant de vérifier leurs papiers et d’organiser leur retour. «Cet avis pourrait mettre fin au dévoiement d’une procédure pénale [la garde à vue] dans le cadre d’une démarche purement administrative pour le seul confort des policiers, du parquet et de la préfecture», explique l’avocat Stéphane Maugendre, qui a bataillé au côté du Gisti devant le Conseil constitutionnel sur le même sujet – en vain.
«Si l’avis est suivi, la privation de liberté sera plus courte entre l’arrestation et la reconduite à la frontière : seul le contrôle d’identité, et donc une rétention de quatre heures, pourrait être envisagé par les policiers pour vérifier les dires de l’étranger», poursuit Patrick Spinosi, l’avocat qui a porté 5 des 7 dossiers pendants devant la Cour de cassation au nom de la Cimade.
Surtout, «il s’agit d’une remise en cause de l’approche française qui prévaut depuis 1938, ajoute l’avocat. Depuis l’entre-deux-guerres, la répression pénale a toujours été l’instrument de l’éloignement de ceux qui étaient en situation irrégulière – contrairement à d’autres pays voisins. L’étranger en situation irrégulière ne peut plus être considéré comme un délinquant».
Ubuesque. L’affaire n’est pourtant pas bouclée. La première chambre civile de la Cour de cassation devra dire si elle suit l’avis de la chambre criminelle – en toute logique, elle devrait, puisque c’est elle qui l’a sollicité. Cela mettrait fin à une situation ubuesque : «A Paris, un magistrat sur cinq annule les procédures qui s’appuyaient sur une garde à vue contraire à la directive « retour ». A Bobigny, ils sont quatre sur cinq», estime Me Maugendre.
Mais les étrangers en situation irrégulière n’en ont pas pour autant fini avec la garde à vue : les policiers doublent souvent leur arrestation d’un motif (présomption de travail clandestin, dégradation de bien, outrage…), qui la justifie.