Interview de Stéphane Maugendre, président du Gisti, par Anne Collin. 12-09-2011
Pour Stéphane Maugendre, président du Gisti, les nouvelles mesures annoncées par le ministre de l’Intérieur sont la réponse de l’UMP au FN. Interview.
Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a annoncé, dans un entretien à « Aujourd’hui en France/Le Parisien » lundi 12 septembre, des mesures contre les « délinquants roumains ». Parmi les propositions figurent le rapatriement des mineurs dans leur pays, la surveillance accrue des points d’entrée sur le territoire, un renforcement de la coopération avec les services policiers judiciaires roumains et un arrêté anti-mendicité sur les Champs-Elysées. Stéphane Maugendre (avocat), président du Groupe d’information et de soutien aux immigrés, réagit.
Quelle réaction vous inspire ces nouvelles déclarations ?
Depuis le discours de Grenoble et la circulaire sur les camps de Roms, on ne s’étonne plus de rien. De plus, cela marque l’entrée en campagne. Ces annonces interviennent après des journées d’été du FN. C’est la réponse du berger à la bergère. Claude Guéant rebondit sur le même terrain que Marine Le Pen. C’est assez pathétique, mais ce n’est pas étonnant. La garde rapprochée du président de la République chasse sur le terrain du Front national.
S’agit-il de véritables propositions politiques ou de simples effets d’annonce, selon vous ?
Il faut lire avec attention les déclarations de Claude Guéant. On balance des chiffres pour faire peur et on dit ensuite, « nous allons prendre des mesures ». Pourtant, il faut rester très prudent avec les chiffres. Claude Guéant parle de « 4.800 mis en cause Roumains interpellés par la police de Paris sur les sept premiers mois de l’année 2011 ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Il ne peut s’agir que de statistiques du Stic (Système de traitement des infractions constatées créé en 2001). C’est un fichier très controversé où l’on met beaucoup de choses.
La question à se poser est donc : qu’en est-il réellement ? Par ailleurs, Claude Guéant établit une comparaison par rapport à l’année dernière. Ces chiffres ne prouvent absolument pas qu’il y a une hausse de délinquance – une délinquance que je ne nie pas pour autant – simplement des chiffres. Cela fait partie d’une politique de chiffres que les policiers sont chargées d’appliquer.
Dans le Parisien, Edouard Connelly, président de Hors la rue, parle d’annonces « juridiquement » très discutables. Qu’en pensez-vous ?
Les mesures annoncés sont incompréhensibles et complètement à côté de la plaque. Il faut savoir que les reconduites à la frontière et les expulsions sont interdites par la loi (Ordonnance de 45). Le gouvernement avait déjà essayé de dissimuler des renvois forcés l’année dernière et le Conseil constitutionnel était intervenu. Il était prévu que le procureur de la République puisse décider seul d’un rapatriement, même pour les mineurs. Il s’agissait donc d’expulsions déguisées. Le Conseil constitutionnel a donc retoqué la loi et imposé l’avis d’un juge des enfants. C’est pourquoi, cette nouvelle annonce de Claude Guéant nécessiterait un nouvel accord Franco-roumain pour être validé. De plus, au vu du calendrier électoral, on n’est pas du tout sûr que cela soit voté avant la prochaine législature.
Ne pensez-vous pas qu’il s’agit en fait d’une stigmatisation des roms ?
Il est évident que ceux qui sont véritablement visés sont les Roms. C’est pour ça que je dis que l’on est dans la droite ligne du discours de Grenoble. Le fait de viser une nationalité est extrêmement dérangeant. Le travail contre la délinquance n’a pas à être cité en fonction de la nationalité. Dans les statistiques, on lit Roumains et pas Roms, c’est pour cette raison que Claude Guéant ne peut pas aller plus loin. Le pire est que ce type d’annonce fonctionne car elle se base sur le fantasme.