Veto au droit de vote des étrangers, frein aux régularisations, surveillance accrue des mariages mixtes, procédure d’expulsion revisitée: Nicolas Sarkozy durcit encore son discours sur l’immigration à l’approche de l’échéance présidentielle.
Dans un entretien aux allures de programme accordé au Figaro Magazine, le président de la République évoque à de multiples reprises le thème de l’immigration, à l’heure où Marine Le Pen reste une menace pour Nicolas Sarkozy dans l’accession au second tour de l’élection.
Le chef de l’Etat déclare notamment vouloir durcir les conditions d’obtention d’un titre de séjour après mariage avec un Français, en introduisant des critères de « logement » et de « ressources » comme pour le regroupement familial.
« Ainsi, nous combattrons plus efficacement les fraudes », souligne-t-il.
Plus de 36.000 visas ont été délivrés à des conjoints étrangers de Français en 2010, soit 61% de plus qu’en 2006, selon les chiffres de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii).
Interrogé par l’AFP, Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), se dit « complètement abasourdi par cette proposition » sur les conjoints étrangers.
« En quoi la taille de l’appartement d’un conjoint ou sa richesse seraient des indicateurs de fraudes? Autant dire que les Français pauvres ne pourront pas se marier à des étrangers », dénonce-t-il.
Dans cet entretien, Nicolas Sarkozy réaffirme en outre son opposition au droit de vote des immigrés aux élections locales, jugeant que « ce n’est vraiment pas le moment, avec tous les risques de montée du communautarisme ».
« De la même façon, je dis très clairement que, contrairement à M. Hollande, je ne suis pas favorable à la régularisation des étrangers en situation irrégulière, qui créerait immédiatement un appel d’air », ajoute-t-il.
Selon l’association de soutien aux étrangers Cimade, environ 28.000 étrangers en situation illégale ont été régularisés en 2010 — un chiffre jamais révélé par les autorités.
M. Sarkozy suggère enfin de réformer le droit des étrangers, en estimant que la justice administrative « devrait être seule compétente en matière d’immigration », au détriment des tribunaux judiciaires.
Cette réforme, qu’il n’exclut pas de soumettre à référendum, viserait concrètement à confier aux juges administratifs la décision revenant aujourd’hui aux juges des liberté et de la détention de prolonger ou non la durée initiale de rétention (5 jours) des individus en voie d’expulsion.
Selon un rapport parlementaire, les remises en liberté d’un étranger en séjour irrégulier du fait d’une décision d’un juge judiciaire ont augmenté entre 2006 et 2009, passant de 19,6% à 27,2%.
Une proposition mal accueillie par les magistrats administratifs et par les associations.
« Ce n’est pas notre métier », s’insurge Axel Barlerin, de l’Union syndicale des magistrats administratifs (USMA), en rappelant que les tribunaux administratifs jugent la légalité des décisions de l’administration. Le juge judiciaire, lui, est garant des libertés individuelles, conformément à la Constitution (article 66) qui devrait donc être révisée.
« Cela créerait une juridiction d’exception », renchérit Serge Slama, maître de conférences en droit public à l’université d’Evry-Val d’Essonne. « On veut confier au juge administratif la privation de liberté. C’est le rôle du juge judiciaire, c’est une rupture avec l’Habeas corpus ».
Le directeur général de France Terre d’Asile, Pierre Henry, est tout aussi sévère. « Evoquer un référendum pour réformer le droit des étrangers revient à cliver la société sur un thème passionnel. C’est absolument détestable », commente-t-il.