Le gouvernement s’est mis en position délicate face à l’opposition et aux organisations de défense des immigrés qui menacent de le poursuivre en justice pour une circulaire du ministère de l’Intérieur demandant expressément le démantèlement des camps de Roms.
Daté du 5 août, signé par Michel Bart, directeur de cabinet de Brice Hortefeux, le document, qui cible explicitement les Roms, a suscité lundi le malaise du ministre de l’Immigration Eric Besson. Ce dernier avait soutenu jusque-là que la France, ignorant le concept de minorité ethnique, ne menait aucune politique contre les Roms.
Le ministre de l’Immigration Eric Besson a affirmé lundi que la seule circulation « valable » s’agissant du démantèlement des campements illicites est celle datant du 24 juin, signée par lui-même et par Brice Hortefeux, lors d’une conférence de presse.
« Je me sens en harmonie avec le cadre juridique » de la circulaire du 24 juin « parfaitement républicaine », a répété le ministre sans dire explicitement qu’il ne reconnaissait pas celle controversée du 5 août, contre laquelle des ONG s’apprêtent à déposer un recours en annulation devant le Conseil d’Etat.
Mais déjà les ONG sont parties à l’assaut du texte. Le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) et le Cran (Conseil représentatif des associations noires) préparent un recours en annulation devant le Conseil d’Etat. Le Gisti « examine » le document pour voir « s’il constitue une infraction pénale ».
« Cette circulaire est la traduction (réglementaire) du discours politique du président Nicolas Sarkozy, le premier à désigner expressément les Roms », accuse le président de l’association, Stéphane Maugendre. Avec ce texte, « on joint le geste à la parole. On est dans la provocation à la discrimination ».
Le chef de l’Etat avait organisé le 28 juillet une réunion à l’Elysée sur les « problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms ». « J’ai demandé au ministre de l’Intérieur de mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms, ce sont des zones de non-droit qu’on ne peut pas tolérer en France », avait ensuite affirmé M. Sarkozy.
Le Cran, qui demande le « retrait immédiat » du texte du 5 août, dit craindre qu' »une prochaine circulaire cible les +Français d’origine étrangère+ qui ont eux aussi été stigmatisés dans le discours du 30 juillet » de Nicolas Sarkozy à Grenoble.
Le numéro deux du PS Harlem Désir a demandé à la Commission européenne et à son président José Manuel Barroso « d’engager une procédure d’infraction à l’encontre du gouvernement français pour que cessent le traitement indigne et la stigmatisation inacceptable des citoyens européens que sont les Roms ».
Pour cet eurodéputé, la circulaire « est absolument contraire à de nombreux textes juridiques français, européens et internationaux, et contrevient à plusieurs droits fondamentaux reconnus par l’Union européenne et la France et notamment le principe de non-discrimination ».
Pour le président du Mouvement Démocrate (MoDem) François Bayrou, « l’Etat en France ne respecte plus le minimum d’équilibre qu’on est en droit d’attendre » dans une République.
Après avoir observé que « les opérations menées depuis le 28 juillet contre les campements illicites de Roms n’ont donné lieu qu’à un nombre trop limité de reconduites à la frontière », la circulaire rappelle aux préfets les « objectifs précis » fixés par le président: « 300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d’ici trois mois, en priorité ceux des Roms ».
Ces directives faisaient suite à une première circulaire du 24 juin, soit avant les violences de Saint-Aignan, la réunion du 28 juillet et le discours de Grenoble. Le texte rappelait aux préfets l’arsenal juridique pour démanteler les camps illicites et expulser leurs occupants en situation irrégulière.