Le ministre de l’Immigration affirme qu’il n’était «pas au courant» de la circulaire du ministère de l’Intérieur, qui fait du démantelement des camps illicites de Roms une «priorité». De son côté, le patron de l’UMP Xavier Bertrand «assume tout à fait» ce document.
C’est un document qui fait «mauvais genre». Alors que la France peine à défendre sa politique concernant les Roms devant ses voisins européens, un journal en ligne publie une circulaire montrant que les préfets ont eu des consignes pour démanteler les camps illicites de Roms «en priorité».
Or, Eric Besson a assuré aux députés européens, qui l’avaient sévèrement critiqué jeudi, que «la France n’a pris aucune mesure spécifique à l’encontre des Roms». «Les Roms ne sont pas considérés en tant que tels mais comme des ressortissants du pays dont ils ont la nationalité», a-t-il affirmé en assurant que la France «ne met en œuvre aucune ‘expulsion collective’». En effet, la Convention européenne des droits de l’Homme, dont Paris est signataire, interdit toute distinction sur la base de l’origine ethnique.
Lundi matin sur France 2, le ministre de l’Immigration Eric Besson a affirmé qu’il n’était «pas au courant» de la circulaire du ministère de l’Intérieur. «Je ne connaissais pas cette circulaire», explique-t-il. «Je n’en étais pas destinataire et je n’en avais donc pas en connaître».
Datée du 5 août 2010 et signée par Michel Bart, le directeur de cabinet du ministre de l’intérieur, la note mentionne à plusieurs reprises les Roms comme une priorité distincte des «gens du voyage» dont il est question dans une circulaire antérieure. «Il revient donc, dans chaque département, aux préfets d’engager (…) une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux de Roms», dit le texte, mis en ligne par un journal nantais, le Canard Social.
Pas assez de reconduites à la frontière
Un peu plus loin, il est déploré que «les opérations menées depuis le 28 juillet contre les campements illicites de Roms n’ont donné lieu qu’à un nombre trop limité de reconduites à la frontière» quand Nicolas Sarkozy avait fixé à 300 les campements ou implantations illicites qui «devront avoir été évacués d’ici trois mois, en priorité ceux des Roms».
«Les préfets de zone s’assureront, dans leur zone de compétence, de la réalisation minimale d’une opération importante par semaine (évacuation / démantèlement / reconduite), concernant prioritairement les Roms», poursuit la circulaire qui est accompagnée d’un tableau type. A cette fin, les préfets sont engagés à «déterminer sans délai les mesures juridiques et opérationnelles pour parvenir à l’objectif recherché».
La circulaire faisait suite aux décisions prises par Nicolas Sarkozy fin juillet, qui visaient déjà les Roms. «J’ai demandé au ministre de l’Intérieur de mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms, ce sont des zones de non-droit qu’on ne peut pas tolérer en France», avait déclaré le président de la République.
L’UMP «assume tout à fait»
Pour le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), cette circulaire «joint le geste à la parole» politique de Nicolas Sarkozy. «On vise un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une communauté. On est dans la provocation à la discrimination», a estimé le président du Gisti, Stéphane Maugendre. Et le Gisti d’annoncer qu’il va déposer un recours devant le Conseil d’Etat «pour que la circulaire soit annulée». Si celui-ci donnait raison au Gisti, ce serait alors un revers significatif pour le gouvernement.
«Cette circulaire est absolument contraire à de nombreux textes juridiques français, européens et internationaux, et contrevient à plusieurs droits fondamentaux reconnus par l’Union européenne et la France et notamment le principe de non-discrimination», a jugé de son côté l’eurodéputé socialiste et numéro 2 du PS Harlem Désir, dans un communiqué.
Le patron de l’UMP Xavier Bertrand a lui déclaré assumer «tout à fait» la politique d’évacuation de campements illégaux, y compris la circulaire du 5 août visant explicitement les Roms, dénonçant «l’hypocrisie» du PS et des «associations de bien pensants» sur cette question. Cette circulaire «est la traduction de notre politique et je l’assume tout à fait», a-t-il lancé. «Les campements sont illégaux, ils sont démantelés en vertu de décisions de justice. Dans un Etat de droit on fait respecter la loi», a jugé Xavier Bertrand.
Le Canard Social publie par ailleurs deux autres circulaires, dont l’une, datée du 9 août, souligne la volonté du gouvernement de maîtriser la communication entourant les opérations d’évacuation. Elle demande aux préfets de «veiller à informer [le directeur adjoint du cabinet du ministre] au minimum 48h avant toute opération d’évacuation revêtant un caractère d’envergure, ou susceptible de donner lieu à un écho médiatique».