Actuel Avocat, 16/12/2009
La réforme du code de justice administrative prévoit d’étendre les ordonnances de rejet des présidents de CAA aux litiges en matière d’obligation de quitter le territoire (OQTF). Une disposition qui servira à « désengorger les CAA au mépris du principe du contradictoire » selon les avocats.
La pratique des ordonnances de tri en OQTF…
Les dispositions de l’article R.222-1, alinéa 7 du code de justice administrative (CJA) permettent à certains magistrats administratifs de rejeter, par simple ordonnance, les requêtes qui comportent des moyens infondés, irrecevables et inopérants ou qui ne sont étayés d’aucun fait pertinent. Cette pratique, très utilisée dans les contentieux de masse, notamment dans le contentieux concernant les refus de séjour assortis d’une obligation de quitter le territoire (OQTF), est aussi connue sous le nom d’ « ordonnance de tri », très pratiquée à Paris. Les avocats spécialisés dans la défense des droits des étrangers déplorent que ces ordonnances de tri, qui servaient à l’origine à écarter des requêtes entachées d’irrecevabilité manifeste, soient devenues de véritables outils de gestion des dossiers.
« Certains dossiers de confrères très sérieux, très charpentés, étayés de nombreux arguments et de nombreuses pièces, sont écartés par le tribunal sans aucun débat, et c’est scandaleux. Une importante proportion de ces ordonnances de rejet est d’ailleurs annulée par la cour administrative d’appel », indique Vanina Rochiccioli, présidente de l’association des Avocats pour la défense des droits des étrangers.
étendue aux CAA
Le projet de décret portant réforme du code de justice administrative contient une disposition créant un nouvel article R. 222-34 du CJA qui permettra désormais aux présidents des cours administratives d’appel (CAA) de rejeter, par voie d’ordonnance, « les requêtes qui ne sont manifestement pas susceptibles d’entraîner l’infirmation de la décision attaquée ». Cette faculté, déjà offerte de manière générale aux présidents de CAA par l’article R. 222-33, est ici expressément étendue aux litiges portant sur une décision prise en application du I de l’article L. 511 -1 du CESEDA, soit les OQTF. « C’est une catastrophe! », estime Vanina Rochiccioli. « C’est l’extension des ordonnances de tri en appel. Les étrangers qui auront vu leur dossier rejeté par ordonnance devant le tribunal pourront voir leur dossier rejeté par ordonnance en appel également ».
Réactions défavorables
« Ordonnance de tri sur ordonnance de tri ne vaudra pas, ne peut pas valoir », s’insurge Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI). « L’objectif de cette réforme est de désengorger les CAA à moindres frais, au mépris du principe du contradictoire » analyse l’avocat. « Cette pratique des ordonnances de tri, si elle est étendue en appel, sera contraire à tous les principes d’accès à la justice, aux dispositions de la convention européenne des droits de l’homme », insiste la présidente de l’ADDE.
« Le droit des étrangers a toujours été un terrain d’expérimentation des réformes visant à restreindre les droits du justiciables, qui sont ensuite étendues à tout le contentieux des précaires », déplore Stéphane Maugendre.
L’Union syndicale des magistrats administratifs (USMA, minoritaire) s’est prononcée contre l’adoption de cette disposition. « Nous sommes résolument opposés à cette mesure » indique Axel Barlerin, président du syndicat. « Il s’agit clairement de mettre en place un dispositif d’admission de l’appel qui sera tranché par un juge unique et permettra au contentieux des OQTF d’échapper à la collégialité ».