, 29/09/2010
Un site internet révèle dimanche qu’une circulaire datant de début août visait directement les Roms. Lundi matin, le ministre de l’Immigration Éric Besson nie son existence… Plus tard, l’UMP déclare « assumer tout à fait ».
Une révélation est venue embarrasser le gouvernement ce week-end. Le site Internet « Le Canard social » a révélé, jeudi 9 septembre, l’existence d’une circulaire datée du 5 août qui démontre que les Roms ont été directement visés par la récente campagne de démantèlement de camps illégaux. Émanant du ministère de l’Intérieur et signé par Michel Bart, le directeur de cabinet de Brice Hortefeux, le texte stipule que « 300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d’ici trois mois, en priorité ceux des Roms. »
Circulation des Roms dans l’UE : que dit la loi ?
La plupart des Roms sont originaires de Roumanie et de Bulgarie, deux pays membres de l’Union européenne (UE) depuis 2007. Ils peuvent donc circuler librement dans les pays de l’UE, mais sont soumis à des restrictions « transitoires ». Ils doivent notamment demander une autorisation pour travailler en France.
Comme tous les Européens, les Roms sont soumis à une obligation de ressources s’ils désirent rester en France au-delà de trois mois. Ils peuvent également être expulsés à tout moment s’ils sont reconnus coupables de troubles à l’ordre public.
Le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, Éric Besson, a d’abord assuré lundi matin qu’il n’ « était pas au courant de cette circulaire ». Rappelant que « le concept de minorités ethniques est un concept qui n’existe pas » en France, il s’est refusé à tout autre commentaire.
Mais quelques instants plus tard, le patron de l’UMP, Xavier Bertrand, a volé au secours du ministre sur BFM-TV. Il déclare « assumer tout à fait » cette circulaire, qui ajoute-t-il, est la simple « traduction de notre politique ».
Le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, a également défendu la légalité de cette circulaire. « Les Roms ne sont en aucun cas ciblés. Cette circulaire cible les ‘campements illicites’ de Roms, ce qui n’est pas la même chose », a-t-il expliqué lors de son point-presse hebdomadaire.
Critiques françaises et internationales
La révélation de cette circulaire a relancé le feu des critiques à l’encontre du gouvernement. À gauche, l’ex-premier secrétaire du parti socialiste, François Hollande, a estimé dimanche que la circulaire était « à la fois immorale et illégale » car elle ciblait expressément les campements de Roms. Le député européen Harlem Désir va encore plus loin. Il a publié un communiqué dans lequel il demande à la Commission européenne et à son président José Manuel Barroso « d’engager une procédure d’infraction à l’encontre du gouvernement français pour que cessent le traitement indigne et la stigmatisation inacceptable des citoyens européens que sont les Roms ».
Des associations de défense des droits de l’Homme se sont aussitôt saisies de l’affaire pour dénoncer la politique discriminatoire du gouvernement. Selon elles, cette circulaire constitue la preuve que la campagne d’expulsion est illégale, car en France, il est interdit de cibler une catégorie de population dans son ensemble.
Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) a annoncé dimanche préparer un recours en annulation devant le Conseil d’État. « Vous imaginez une circulaire nommant expressément les Juifs ou les Arabes ? » s’est indigné dimanche le président du Gisti, Stéphane Maugendre, qui a ajouté qu’il étudiait la possibilité de porter plainte pour « provocation à la haine raciale ».
Les critiques concernant la politique sécuritaire du gouvernement français émanent aussi de l’étranger. Le Parlement européen, l’ONU et même le Vatican ont, chacun leur tour, dénoncé les expulsions. En ouverture de sa session inaugurale, ce lundi à Genève, le 15e Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a épinglé la France. La Haut commissaire, Navi Pillay, a jugé « préoccupante » la « nouvelle politique » du gouvernement français envers les Roms, « qui ne peut qu’exacerber leur « stigmatisation » et leur « extrême pauvreté ».
Paris s’est jusqu’ici toujours défendu en affirmant ne procéder qu’à des expulsions individuelles. La semaine dernière, en déplacement à Bucarest, Éric Besson avait contesté le fait que les Roms aient été spécialement visés lors des expulsions. « Le droit européen a été respecté. Il n’y a pas eu d’expulsions collectives », avait-il alors affirmé.