Les associations de défense des immigrés restaient vigilantes sur la politique de renvoi de Roms, malgré le retrait lundi par le gouvernement d’une circulaire visant explicitement cette minorité, un texte qui découle, selon elles, des discours répressifs du chef de l’Etat.
Le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux a signé lundi une nouvelle circulaire aux préfets sur les évacuations de campements illicites, sans mention de l’ethnie des occupants, après un tollé soulevé par une précédente circulaire datée du 5 août et visant explicitement les Roms.
Malgré cette nouvelle circulaire, la Commission européenne a annoncé mardi son intention de déclencher une procédure d’infraction en justice contre la France pour violation du droit européen dans l’affaire des renvois de Roms bulgares et roumains chez eux.
« Ce n’est pas parce que la circulaire est retirée que les pratiques vont changer », craint Stéphane Maugendre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Pour lui, « les Roms ont été marqués du sceau du discours politique » de Nicolas Sarkozy à Grenoble le 30 juillet et dont cette circulaire est la « traduction réglementaire ». Avec ce texte, « les Roms sont ciblés auprès des préfets, des gendarmes et des policiers », accuse M. Maugendre.
Le Gisti, qui a renoncé à son recours en annulation devant le Conseil d’Etat après le recul de M. Hortefeux va, en revanche, « continuer d’examiner de possibles infractions pénales ayant été induites par l’application du texte entre le 5 août et la date de son remplacement ».
« Ce n’est pas parce que la circulaire a été retirée qu’elle n’a pas existé », argumente M. Maugendre. « Des camps ont été démantelés et des Roms ont été reconduits ». Ce qui, selon lui, « rend possibles des recours indemnitaires ».
Dans sa circulaire de lundi, M. Hortefeux a rappelé qu’il « a été procédé à l’évacuation de 441 campements illicites » depuis le 28 juillet » et que « cette action doit se poursuivre ».
Méfiant à l’égard du gouvernement, le Conseil représentatif des associations noires (Cran) a décidé de suspendre, mais sans y renoncer, son recours devant le Conseil d’Etat et ses projets d’une action pénale pour discrimination raciale.
« Le Cran s’indigne que le président de la République et le gouvernement se lancent dans une logique d’hostilité affichée envers les minorités visibles en ciblant ouvertement les Roms, les gens du voyage et bientôt dans les textes de loi, les +Français d’origine étrangère+ », allusion au projet de loi sur l’immigration.
Signataire de la circulaire annulée du 5 août, « le directeur de cabinet de Brice Hortefeux, Michel Bart, n’a finalement fait que traduire en actes écrits des discours tenus par l’exécutif », observe SOS Racisme.
« Cette circulaire a suivi de quelques jours la réunion tenue (le 28 juillet) à l’Elysée sur +les Roms et les gens du voyage+ et qui avait été l’occasion de mettre en scène un discours associant ces populations à des fauteurs de troubles et à annoncer le démantèlement des camps de Roms », accuse l’association.
« A Grenoble, on a franchi une frontière gravissime. On est passé à quelque chose d’impensable dans le discours politique », déplore Patrick Henriot du Syndicat de la magistrature. « Quand on arrive à ce niveau-là, il ne s’agit pas de prendre une nouvelle circulaire pour apaiser les consciences », selon le directeur général de SOS Racisme, Guillaume Aymé.