Carole Sterlé, 18/12/2013
es étrangers que la police estime indésirables à leur descente d’avion continueront à être jugés à Bobigny (Seine-Saint-Denis), même en 2014. Hier, la garde des Sceaux, Christiane Taubira, a fait savoir qu’elle n’autorisait pas l’ouverture de l’annexe judiciaire à côté de la zone d’attente de Roissy au 1er janvier, tant que des aménagements ne seront pas réalisés.
Les rapporteurs veulent une « impartialité objective »
Pour cet arbitrage, Christiane Taubira a missionné deux spécialistes du droit : Bernard Bacou, ancien président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, et Jacqueline de Guillenchmidt, ancien membre du Conseil constitutionnel. Cette annexe est une première en France. Il n’y avait donc pas de jurisprudence pour savoir si elle enfreint ou non des exigences européennes ou nationales, comme le soutiennent avec vigueur des magistrats, avocats et associations de défense des étrangers. Pour eux, il s’agit ni plus ni moins d’une justice d’exception, rendue au pied des pistes, dans un lieu difficile d’accès.
Après un mois d’auditions et d’examen des lieux, les deux rapporteurs préconisent des aménagements matériels afin d’assurer « l’impartialité objective » du tribunal, ce qu’on appelle aussi l’apparence de justice. Point majeur de ce rapport, encore : la police de l’audience ne peut pas être assurée par des policiers de la PAF (police de l’air et des frontières), puisque ce sont eux qui, en amont, placent les étrangers en zone d’attente. Ils ne peuvent donc être ceux qui interpellent et ceux qui garantissent dans le même temps la sérénité des débats.
On est ici sur un site qui appartient au ministère de l’Intérieur et dans des locaux construits par ce même ministère pour le compte du ministère de la Justice. « Nous avons commencé des aménagements que nous allons poursuivre, réagit-on au cabinet de Manuel Valls. Nous avons déjà supprimé un grillage, la salle et le parking sont en libre accès. » Auparavant, on avait l’impression d’entrer sur un site aussi surveillé que la zone d’attente. Concernant la police de l’audience, l’Intérieur s’engage à « faire des propositions très rapidement », l’objectif étant d’« ouvrir dans les premiers mois de l’année 2014 ». Place Beauvau, on rappelle que cette salle d’audience, dont la construction a été décidée sous les gouvernements précédents, permettrait d’économiser aux retenus une escorte longue et pas très confortable jusqu’à Bobigny, avec des locaux d’attente exigus. Et cela permettrait aussi des économies financières.
« C’est une belle victoire mais elle est incomplète », réagit Stéphane Maugendre, avocat et président du Gisti (le groupe de soutien des étrangers). « Le rapport n’est pas allé jusqu’au bout, il aurait dû reconnaître que ces audiences, au pied des pistes sont une justice d’exception. » Cette annexe du tribunal de Bobigny est de fait réservée aux seules audiences des étrangers.