Marie Barbier , 27/01/2011
Le site Internet Admission post-bac refuse l’inscription des étudiants qui n’ont pas la nationalité française.
Vous vous appelez Camille Durand, vous passez le bac en juin et devez, par conséquent, vous inscrire, pour la rentrée prochaine, dans une formation d’enseignement supérieur. Comme vos 750 000 homologues de terminale, vous saisissez donc votre souris pour vous rendre sur le site Admission post-bac (APB), procédure de pré-inscription mise en place depuis 2008 par le ministère de l’Enseignement supérieur.
Sous le logo de la République française, on vous demande de remplir votre identité, état civil et parcours scolaire. Enfin, les vœux. Après réflexion, ce sera un DUT informatique en apprentissage. Choix de la formation, détails, sélectionner. Écran blanc. Et un message : « Seuls les candidats de nationalité française peuvent s’inscrire dans une formation en apprentissage sur APB ». Car Camille Durand est de nationalité malienne. Mais Camille Durand peut devenir belge ou portugaise (magie de l’informatique), elle verra le même message apparaître. Si seule la fictive Camille Durand était concernée, l’affaire ne serait pas si grave. Mais des étudiants en chair et en os ont déjà fait cette désagréable expérience.
C’est ainsi que la semaine dernière, les professeurs du lycée Albert-Schweitzer au Raincy (Seine-Saint-Denis) ont vu arriver une élève portugaise dans l’impossibilité de s’inscrire. Ils ont d’abord cru à une fausse manipulation avant de lire l’incroyable message. Depuis, ils essayent en vain d’obtenir des éclaircissements du ministère et du rectorat. « C’est antidémocratique, discriminatoire et contraire au droit européen », énumère Emmanuel Mahé, enseignant d’histoire-géo qui n’hésite pas à parler de « préférence nationale ».
« C’est totalement illégal, confirme Stéphane Maugendre avocat et président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés). C’est le refus d’un service à raison de la nationalité. » D’autant que les étudiants étrangers ont le droit de suivre des formations en apprentissage à condition qu’ils aient une carte de séjour adéquate. Quant aux ressortissants communautaires, ils bénéficient de la liberté de circulation et d’installation dans l’espace Schengen.
Alors que le serveur APB est ouvert depuis une semaine, l’affaire crée un vent de panique dans les IUT. Et pour cause : puisque le serveur refuse leur inscription, les élèves appellent directement les instituts dans le but de pouvoir y déposer directement leur dossier. Un directeur d’IUT souhaitant garder l’anonymat dénonce une « mise à mal de l’égalité républicaine » et menace, dans ces conditions, de n’inscrire « aucun étudiant étranger cette année ».
Quant au ministère de l’Éducation supérieur et de la Recherche, il n’a pas souhaité répondre à nos questions.