Alice Pouyat, 27/09/2010
Débats électriques en perspective à l’Assemblée. A partir de mardi, et pendant deux semaines, les députes vont examiner le projet de loi « immigration, intégration et nationalité » présenté par Eric Besson. D’ores et déjà, l’opposition a annoncé son intention de ferrailler contre ce projet, le 6e depuis 2002 sur l’immigration, qui suscite aussi des réserves dans la majorité. Le point sur les mesures les plus polémiques.
Déchéance de la nationalité étendue
Brice Hortefeux avait proposé d’élargir la déchéance de la nationalité aux personnes coupables de polygamie. Cette idée n’a pas été retenue. En revanche, elle s’appliquera aux Français naturalisés depuis moins de dix ans (par l’intermédiaire du mariage) et condamnés pour avoir intentionnellement causé la mort d’une personne dépositaire de l’autorité publique (policier, gendarme, avocat, magistrat…) dans l’exercice de ses fonctions, comme l’avait souhaité Nicolas Sarkozy après les violences de Grenoble. Peu de personnes devraient donc être concernées. Pour s’appliquer, cette mesure devra aussi franchir l’obstacle du Conseil constitutionnel qui, au nom du principe d’égalité devant la loi, n’a accepté jusqu’à présent la déchéance de la nationalité que pour les faits qualifiés de terroristes.
Bannissement de citoyens communautaires
Le texte stipule qu’un ressortissant européen peut faire l’objet d’une mesure de bannissement en cas d’« abus d’un court séjour » (moins de trois mois) lorsqu’il multiplie des allers-retours « dans le but de se maintenir sur le territoire » ou s’il constitue « une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale ». Les personnes concernées ne pourront plus revenir pendant une durée de deux ou cinq ans. Cette mesure vise notamment les Roms, accusés d’accepter les procédures de retour volontaire (et les 300 euros qui vont avec) et de revenir en France.
Enfermement allongé
La durée de la rétention administrative des sans-papiers passera de 32 à 45 jours maximum, comme l’autorise la directive « Retour » européenne. « La France est le pays européen dont la durée de rétention est la plus courte », se défend Eric Besson. Pour les défenseurs des droits de l’Homme qui dénoncent une privation de liberté allongée, inutile, et coûteuse, c’est un nivellement par le bas.
Moins de juges des libertés
Autre mesure en centre de rétention: le juge des libertés et de la détention (JLD), qui contrôle la régularité des conditions d’enfermement et d’interpellation ne pourra plus intervenir qu’au bout de 5 jours contre 48 heures aujourd’hui. Le juge administratif, qui lui statue sur la mesure d’éloignement pourra donc statuer avant lui et des personnes êtres expulsées sans avoir pu solliciter un juge des libertés –accusé à plusieurs reprises par le gouvernement de faire obstacle aux expulsions. Une façon de simplifier la procédure, se justifie le gouvernement.
Des zones d’attentes sur tout le territoire
C’est peut-être le point du texte le plus incertain au niveau juridique. Le projet de loi donne la possibilité aux préfets de décréter « zones d’attente temporaire » le lieu où sont découverts des étrangers clandestins. La zone s’étendrait de l’endroit de la découverte au point de passage frontalier le plus proche. Les zones d’attente de placement en instance (Zapi) sont des lieux privatifs de liberté situés habituellement dans les gares, les aéroports ou les ports ouverts au trafic international et dans lesquels les clandestins sont retenus. Leurs droits y sont limités: seules sont autorisées l’assistance d’un médecin, d’un interprète et la communication avec un avocat. Avec cette nouvelle disposition, « on crée ainsi fictivement, du lieu d’arrestation au poste de frontière, un endroit où le droit français ne s’applique pas. Toute la France peut alors devenir un ‘non-territoire français' », expliquait au JDD.fr Stéphane Maugendre, président du groupe de soutien aux immigrés (Gisti), au moment de la révélation de l’avant-projet de loi.
Des « mariages gris » punis
Définis comme des unions fondées sur « une tromperie volontaire d’un étranger aux dépens d’un conjoint abusé dans sa bonne foi » – ces mariages seront dorénavant punis par sept ans d’emprisonnement, au lieu de cinq, et d’une amende de 30.000 euros, contre 15.000 actuellement. En novembre 2009, Eric Besson avait ciblé ce problème, sans toutefois avancer de chiffres. De quoi susciter l’indignation de Nicolas Ferran, président du collectif des Amoureux au banc public: « Doit-on mettre les gens sous tutelle contre leur propre naïveté? Je ne crois pas. Des tromperies existent aussi dans des relations non mixtes », soulignait-il au JDD.fr.
Travail au noir: Les employeurs protégés
Contre l’avis du gouvernement, un amendement du rapporteur du texte, Thierry Mariani (UMP), a été adopté qui propose de ne pas sanctionner les employeurs « de bonne foi » d’étrangers sans titre de séjour qui peuvent aujourd’hui être poursuivis pénalement pour recrutement illégal. En clair, si l’inspecteur du travail ne peut apporter la preuve que l’embauche de sans-papier est volontaire, aucune poursuite ne pourra être retenue.
Aide médicale limitée
Un des amendements rend aussi plus difficile l’accès à l’aide médicale pour les étrangers sans titre de séjour afin d’éviter un « coût déraisonnable du système de santé français. Jusqu’ici, les étrangers en bénéficiaient s’ils ne « pouvaient » être traités dans leur pays (par exemple s’ils n’en avaient pas les moyens ou si le pays bénéficient des infrastructures suffisantes). Il faudra désormais que le traitement soit « inexistant » dans leur pays.
Intégration choisie
Le processus de naturalisation est accéléré pour celui « qui présente un parcours exceptionnel d’intégration » dans les domaines « civique, scientifique, économique, culturel ou sportif ». Pour le reste des citoyens, l’accès à la nationalité est conditionnée à la signature d' »une charte des droits et devoirs du citoyen ». Le texte crée aussi une « carte bleue européenne« pour les travailleurs « hautement qualifiés » qui justifient d’un contrat ou d’une promesse d’embauche pour au moins un an.