Le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux a signé lundi une nouvelle circulaire aux préfets sur les évacuations de campements illicites, sans mention de l’ethnie des occupants, après deux jours de tollé sur une précédente circulaire visant explicitement les Roms. Ce nouveau texte administratif, dont l’AFP a eu connaissance, demande aux préfets de « poursuivre » les évacuations de camps « quels qu’en soient les occupants ». Cette circulaire, que M. Hortefeux a « tenu à signer personnellement » est destinée à « lever tout malentendu sur une éventuelle stigmatisation » des Roms, a déclaré à l’AFP l’entourage du ministre. De fait, la « présente circulaire remplace les instructions et circulaires antérieures sur le même objet », notamment celle du 5 août adressée aux préfets et révélée ce week-end. Le directeur de cabinet de M. Hortefeux, Michel Bart, y rappelait les « objectifs précis » fixés fin juillet par le président de la République : « 300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d’ici trois mois, en priorité ceux des Roms ».
Ce texte visant les Roms avait valu à Paris de nouvelles critiques à l’étranger et des menaces d’ONG de recours en justice. Le ministre de l’Immigration, Eric Besson, avait assuré lundi tout ignorer de ce premier texte : « Je ne connaissais pas cette circulaire », a-t-il affirmé, alors qu’il avait été envoyé récemment à Bruxelles et à Bucarest pour défendre la politique gouvernementale respectueuse, selon lui, de « la loi républicaine » et du droit « communautaire ». La Commission européenne a répété qu’aucune catégorie de population ne pouvait être visée en Europe du fait de son origine ethnique.
« Illégalité de cette circulaire »
A Genève, la Haut commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Navi Pillay, a qualifié de « préoccupante » la « nouvelle politique » de Paris envers les Roms « qui ne peut qu’exacerber leur « stigmatisation » et leur « extrême pauvreté ». Les associations de défense des immigrés étaient vent debout contre la circulaire du 5 août, un texte que le secrétaire général de l’UMP, Xavier Bertrand, avait dit assumer « tout à fait » parce que « c’est la traduction de notre politique ».
Le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) et le Cran (Conseil représentatif des associations noires) préparaient même un recours en annulation devant le Conseil d’Etat. A l’annonce de la nouvelle circulaire lundi soir, Serge Slama, juriste du Gisti, y a vu « une reconnaissance de l’illégalité de cette circulaire » (du 5 août). « Cela prouve qu’elle portait bien atteinte au principe d’égalité devant la loi », a-t-il dit, expliquant qu’un « retrait équivaut à une annulation de la circulaire » et « nous ferme la voie devant le juge administratif ».
Pour le président du Gisti, Stéphane Maugendre, « cette circulaire (celle du 5 août, Ndlr) est la traduction (réglementaire) du discours politique du président Nicolas Sarkozy, le premier à désigner expressément les Roms ». Le chef de l’Etat avait organisé le 28 juillet une réunion à l’Elysée sur les « problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms ». Le numéro deux du PS, Harlem Désir, a demandé à la Commission européenne et à son président José Manuel Barroso « d’engager une procédure d’infraction à l’encontre du gouvernement français pour que cessent le traitement indigne et la stigmatisation inacceptable des citoyens européens que sont les Roms ». Pour le président du Mouvement démocrate (MoDem) François Bayrou, « l’Etat en France ne respecte plus le minimum d’équilibre qu’on est en droit d’attendre » dans une République.