, Quentin Raverdy ,
L’expulsion d’une mineure sans papiers rappelle les méthodes de l’ex-président, alors que la gauche n’avait cessé de les fustiger. Décryptage.
L’expulsion d’une jeune collégienne mineure et de sa famille en situation irrégulière dans le Doubs a suscité une très vive polémique au sein de la classe politique et des associations de défense des sans-papiers. Pour la gauche, Leonarda est clairement un symbole : celle d’une trahison des promesses et des valeurs. Car l’affaire fait furieusement penser aux années Sarkozy. Lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, il avait en effet relancé l’expulsion des familles dont les enfants allaient à l’école de la République, souhaitant ainsi éviter que cette scolarisation devienne « une nouvelle filière » d’immigration illégale.
« L’intérêt de l’enfant »
Rappel des faits : en partance pour un voyage scolaire, Leonarda Dibrani, collégienne kosovare de 15 ans, a vu son bus arrêté sur demande des agents de police avant d’être conviée à descendre afin de rejoindre sa mère et ses cinq frères et soeurs, en partance pour le Kosovo. Les Dibrani faisaient l’objet d’une obligation de reconduite à la frontière (le père, placé en centre de détention depuis septembre à la suite d’un contrôle a, lui, été expulsé le 8 octobre). Face au tollé médiatique, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls s’est défendu en rappelant que « cette reconduite à la frontière s’était déroulée dans le respect du droit, dans le respect des personnes ».
Pourtant, l’article L511-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (2006) dispose que « l’étranger mineur de moins de dix-huit ans (ils sont six enfants de 5 à 17 ans dans la famille Dibrani) ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou de mesure de reconduite à la frontière ». Les affaires d’élèves expulsés du précédent quinquennat concernaient donc des lycéens majeurs. Seulement que faire d’un mineur dont la famille est expulsée ? Police et administration font en général prévaloir « l’intérêt de l’enfant » qui est de rester auprès de ses parents.
« L’intérêt de l’enfant, n’est-il pas plutôt de rester dans son école où il est intégré et où il a des amis plutôt que dans un pays qu’il ne connaît pas ? » s’interroge donc Me Stéphane Maugendre, avocat et président du Gisti, une association d’aide au séjour des immigrés. Et de dénoncer « le bon vouloir des préfectures au sujet de la loi ».
Deux mois
Pourtant, en novembre 2012, la circulaire Valls venait préciser les règles de la régularisation, laissée naguère, au grand dam de la gauche, à la seule appréciation de préfets. Est dorénavant régularisable une famille sans papiers présente depuis cinq ans en France et ayant un enfant scolarisé dans le système éducatif français depuis au moins trois ans. C’est bien le cas des six enfants Dibrani, mais les parents déboutés de leur demande d’asile n’étaient en France que depuis quatre ans et dix mois. Deux petits mois ont manqué et, selon Me Maugendre, montrent bien que l’on est revenu « aux heures les plus noires des années Sarkozy ».
La circulaire Valls annonçait une « politique d’immigration lucide et équilibrée ». Leonarda vient de spectaculairement bouleverser la donne.