Mehdi Fikri, 11/06/2013
Aissam s’est vu refuser un regroupement familial. Raison officielle : un manque de ventilation dans ses toilettes !
L’administration française est tatillonne, prête à tout pour freiner l’immigration. Aissam, Marocain de vingt-neuf ans, a un diplôme, un travail, un bon salaire. Mais son épouse s’est vu refuser l’entrée sur le territoire. Le motif ? Il n’y a pas de ventilation dans les W-C d’Aissam… Cela semble fou. « Je constate que votre logement ne respecte pas les normes d’habitation exigées pour accueillir votre famille », conclut la Direction de l’immigration et de l’intégration dans une lettre ubuesque.
Diplômé, salarié, mais cela ne suffit pas
Aissam est arrivé en France en 2007, après avoir passé une maîtrise de génie mécanique à Kenitra, au Maroc. Parcours classique : il intègre l’école d’ingénieur de l’université de technologie de Troyes et en sort diplômé en 2009. Puis, il enchaîne sur un master 2 de génie des systèmes industriels, à la fac d’Évry. Au départ, Aissam pensait « rentrer au pays » après ses études. Mais il est remarqué par l’entreprise Accenture TS, spécialisée dans le conseil informatique, qui l’embauche au terme d’un stage. Il y travaille pendant trois mois, avant de trouver un nouveau boulot. Aissam est envoyé en mission chez Renault, puis chez Alstom Transport. Il gagne 2 200 euros net par mois. Et pense, logiquement, rester en France.
Le jeune homme se marie au Maroc en avril 2012. Le mois suivant, il dégote un studio de 28 m2 à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) et dépose un dossier à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Premier pas dans le dédale bureaucratique, première déconvenue : « Ils m’ont dit que je devais avoir douze fiches de paie à présenter au moins égales au Smic, sans me préciser s’il fallait des fiches de mon employeur actuel ou tous employeurs confondus. » Le 12 septembre 2012, il redépose un dossier, en règle, à l’Ofii.
« On m’a alors annoncé que j’allais recevoir une visite de l’inspection du logement », raconte Aissam. La visite a lieu en novembre 2012 et l’agent ne fait aucune remarque spécifique. Mais, le 7 avril 2013, il reçoit l’avis de la Direction de l’immigration et de l’intégration. C’est un refus. En raison de l’absence de ventilation conforme dans les W-C. Il est par ailleurs précisé que la requête a été examinée « au regard des articles de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ». « Mais, je suis marocain ! » s’étonne Aissam.
Depuis, il a fait appel à un avocat et a demandé à son propriétaire de faire les travaux pour mettre en place une ventilation conforme. Et s’apprête à faire un autre recours à l’Ofii.
Pas de rupture avec Sarkozy « Le cas d’Aissam n’est qu’un exemple parmi d’autres », déplore l’avocat Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien aux immigrés. Selon lui, « tous les critères prévus dans les décrets servent de prétextes à des refus. Parfois, il suffit d’un mètre carré de surface habitable en moins ». Une conséquence de la politique de l’« immigration choisie », promue par Nicolas Sarkozy. Et laissée en état par la nouvelle majorité. « On aurait pu espérer que des circulaires préconisent une appréciation plus souple des critères. Mais, concrètement, les pratiques des préfectures restent dans la ligne directe de ce qui avait été impulsé par la droite sarkozyste. »