Catherine Gouëset,
La circulaire du ministère de l’Intérieur indiquant que les Roms étaient visés « en priorité » dans les « évacuations de campements illicites » a suscité l’émoi dans la classe politique et a mobilisé les associations de défense des droits des immigrés.
Les ONG : juridiquement illégal
Des organisations de défense des droits de l’homme estiment que l’action du gouvernement est juridiquement illégale, puisqu’une catégorie de population est visée en tant que telle et non des individus qu’on incriminerait pour certains faits.
Le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) et le Cran (Conseil représentatif des associations noires) préparent un recours en annulation devant le Conseil d’Etat. « Avec la circulaire du ministère de l’Intérieur, on vise un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une communauté. On est dans la provocation, la discrimination », a estimé Stéphane Maugendre, le président du Gisti. Vous imaginez une circulaire nommant expressément les Juifs ou les Arabes? », s’est-il indigné sur France Info et BFMTV.
« Cette circulaire est contraire à la Constitution, laquelle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine », affirme Jean-Pierre Alaux, chargé d’études au sein de cette association, dans La Croix.
Le Cran, qui demande le « retrait immédiat » du texte du 5 août, dit craindre qu' »une prochaine circulaire cible les ‘Français d’origine étrangère’ qui ont eux aussi été stigmatisés dans le discours du 30 juillet » de Nicolas Sarkozy à Grenoble.
L’opposition : immoral
L’ex-premier secrétaire du PS François Hollande a estimé dimanche que la circulaire était « à la fois immorale et illégale ». « Elle est immorale parce qu’une communauté est stigmatisée en tant que telle » et elle « est illégale parce que c’est une discrimination » en infraction avec la Convention européenne des droits de l’Homme, a-t-il déclaré lors de l’émission C politique sur France 5.
Le numéro deux du PS Harlem Désir a demandé à la Commission européenne et à son président José Manuel Barroso « d’engager une procédure d’infraction à l’encontre du gouvernement français pour que cessent le traitement indigne et la stigmatisation inacceptable des citoyens européens que sont les Roms ».
Le ministre de l’Immigration Eric Besson a ajouté à « l’indignité de sa politique l’indignité de son comportement, lui qui se dit non responsable et ne pas être au courant de la circulaire qui a été envoyée aux préfets par le directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur », a lancé le porte-parole du PS Benoît Hamon lors du point presse hebdomadaire du PS.
Jean-Michel Baylet, président du Parti radical de gauche (PRG), a dénoncé lundi l' »affaire scandaleuse » de la circulaire, pointant « l’arrogance et l’absence de culture républicaine » du directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur. Le sénateur PRG du Tarn-et-Garonne a annoncé qu’il interrogerait « prochainement le Premier ministre sur les suites qu’il compte donner à cette affaire scandaleuse ».
« L’Etat en France ne respecte plus le minimum d’équilibre qu’on est en droit d’attendre dans une République », a réagi le président du Mouvement Démocrate (MoDem) François Bayrou. Il souhaite que les associations en mesure juridiquement de porter un recours devant le Conseil d’Etat le fassent et rappelle « que ce type d’attitude et de choix est illégal en France ».
A droite, on assume
Le ministre de l’Immigration Eric Besson, qui assure ne rien connaître de cette circulaire, a affirmé lundi que la seule circulaire « valable » s’agissant du démantèlement des campements illicites était celle datant du 24 juin, signée par lui-même et par Brice Hortefeux.
Pas de gêne en revanche pour le patron de l’UMP. Xavier Bertrand a déclaré lundi assumer « tout à fait » la politique d’évacuation de campements illégaux, y compris la circulaire du 5 août visant explicitement les Roms, dénonçant « l’hypocrisie » du Parti socialiste (PS) et des « associations de bien pensants » sur cette question.