Anne Laffeter, 19/05/2009
Mensonges, polémiques, pression médiatique : le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale s’acharne sur les associations de défense des sans-papiers, qui ripostent.
Plus flippant que Brice Hortefeux ? Besson l’a fait. En déclarant une guerre ouverte aux associations d’aide aux sans-papiers, le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale a engagé la seconde phase de la feuille de route de son ministère : l’affaiblissement des contre-pouvoirs qui nuisent à l’efficacité de la machine à expulser.
Depuis son entrée en fonctions en janvier, le transfuge socialiste a imposé rapports de force et polémiques au centre de sa stratégie de communication pour détourner l’attention de ses mensonges médiatisés. Alors qu’il affirme haut et fort depuis des semaines “qu’il n’y a pas de délit de solidarité” et qu’aucun “aidant” n’a jamais été inquiété, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) publie une liste prouvant le contraire. Irrité, il contre-attaque le 22 avril sur BFM TV : “La crédibilité du Gisti en la matière est quasiment nulle.” Et ce, alors que l’expertise du Gisti sur la question des droits des étrangers est reconnue par le monde judiciaire et que chaque jour en apporte la preuve.
Mais le message du ministre doit être le plus audible. Même au prix d’une pression directe exercée sur France Inter. Son cabinet aurait ainsi sommé la rédaction d’empêcher la rediffusion d’un reportage intitulé Aimer les sans-papiers est-il un délit ?, sur Jennifer Chary, Dijonnaise de 23 ans, accusée “d’aide au séjour irrégulier” de son concubin marocain, expulsé avant leur mariage. Une autre voix déplaît au ministre : celle de la Cimade. Depuis plusieurs mois, le ministère a engagé un bras de fer avec l’association sur le marché d’attribution de l’aide aux étrangers en rétention. Eric Besson est passé en force le 10 mai alors que la juge du tribunal administratif de Paris devait examiner le référé le 13. Outré par ce “bras d’honneur à la justice”, le secrétaire général de la Cimade, Laurent Giovannoni, a dénoncé des “méthodes de voyous”. La juge devait vérifier la capacité des six associations candidates à défendre les sans-papiers, conformément à la loi. Deux d’entre elles sont largement sujettes à caution. Le collectif Respect, jusque-là inconnu du milieu associatif, et créé en 2003 au lendemain de la polémique sur La Marseillaise sifflée au stade de France, serait un faux nez de l’UMP. L’Afssam est aussi suspecte, car financée largement par le ministère, à hauteur de 450 000 euros. Eric Besson a menacé de porter plainte contre Laurent Giovannoni, tout en accusant l’association de “mordre et cracher en permanence sur la main qui (la) nourrit”.
Ce rapport de force méprisant n’est sûrement pas pour déplaire au chef de meute Sarkozy qui a édicté l’affrontement et l’absence de dialogue en mode de gouvernance. “Il a des preuves à faire. Besson se veut plus dur, infiniment plus agressif, hargneux, que le soldat Hortefeux. Il a probablement envie de montrer qu’il a mérité la vice-présidence UMP”, tance Jean-Paul Dubois, le président de la Ligue des droits de l’homme, avant d’ajouter : On ne mord pas la main qui vous nourrit ? Le collectif Respect ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Besson a ressuscité Maurice Drouot (homme de gauche qui siégea au Conseil national mis en place par Vichy – ndlr) ? Ces méthodes sont plus surprenantes en France que dans la Tunisie de Ben Ali. ”
Ces virulentes attaques contre la Cimade et le Gisti ont aussi fédéré contre le ministre le gratin des associations de défense des droits des plus démunis et des immigrés en situation irrégulière.
Seize d’entre elles (Emmaüs France, le Secours catholique, RESF, FSU…) se sont fendues d’un communiqué pour freiner ces provocations : “Le mode de relation agressif que vous semblez vouloir instaurer avec les associations qui interviennent sur les questions de précarité nous paraît préoccupant.” Pour calmer le jeu, le ministre leur a proposé de “venir débattre du fond de ce qu’elles écrivent”. Du fond et l’arrêt des polémiques, c’est justement ce qu’elles réclament.
“Cette polémique sur le mot “voyou” est une façon inélégante de détourner l’attention des vrais problèmes : l’ensemble des réformes qui tentent de diminuer le rôle des associations et, à travers elles, l’assistance juridique aux étrangers”, insiste Laurent Giovannoni. Le collectif Respect s’est ainsi vu attribuer la gestion des centres de rétention administrative d’outre-mer, ceux justement qui avaient été pointés du doigt dans un rapport de la Cimade pour leurs conditions inhumaines de rétention.
“Le but est de faire baisser le nombre de recours, donc augmenter le nombre d’éloignements. Dans sa feuille de route, Sarkozy demande à Besson de restreindre le contentieux”, ajoute Stéphane Maugendre, le président du Gisti. Hortefeux l’avait tenté en essayant de simplifier la procédure d’appel du recours – un juge contre deux actuellement – avant d’être retoqué par la commission Mazeaud. “Dans les centres de rétention, de véritable conseil, on va passer à la distribution de feuilles où seront récapitulés les droits. « il ne faudra pas trop en faire sinon le marché ne sera pas reconduit l’année d’après”, anticipe Stéphane Maugendre. “Cantonner les associations dans un rôle de faire-valoir permettra ainsi d’huiler l’industrialisation des expulsions et de suivre le mouvement européen”, conclut Laurent Giovannoni.
Une réflexion sur « Besson « voyou » d’Etat »
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