Pierre-Marie Lemaire, novembre 2009
Pour Stéphane Maugendre, président du Gisti, la circulaire adressée aux préfets et aux procureurs ne résout rien.
« Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France sera punie d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros. » Cet article L622-1 du Ceseda (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) a été rebaptisé « délit de solidarité » par les as¬sociations de soutien aux étrangers qui en demandent l’abrogation. Le ministre de l’Immigration, Éric Besson, s’y refuse, affirmant qu’il s’agit là d’un élément essentiel de la lutte contre les filières d’immigration clandestine.
Mais il est prêt à élargir la portée de l’article L622-4 qui prévoit une immunité humanitaire pour les bénévoles des associations lorsque l’aide apportée aux sans-papiers est justifiée par « un danger imminent ou actuel » ou une menace sur sa vie ou son intégrité physique. C’est le sens d’une circulaire adressée aux préfets (la même a été envoyée aux parquets par la ministre de la justice) qui leur demande d’« interpréter largement » cette notion de danger en l’étendant aux actions qui n’ont « d’autre objectif que d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger en situation irrégulière ».
Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) donne son point de vue.
« Sud Ouest ». Cette circulaire marque-t-elle une avancée ?
Stéphane Maugendre. Absolument pas, elle ne changera rien. Ce que les associations réclament, c’est l’abrogation pure et simple de l’article L622-1qui sert toujours à inter-peller, placer en garde à vue, pour-suivre et condamner des bénévoles. La semaine dernière encore, une infirmière du Pas-de-Calais a été arrêtée avec sa fille et un ami parce qu’elle hébergeait un jeune Afghan qu’elle considère un peu comme son fils. L’immunité humanitaire n’existe pas. Le seul fait d’aider des étrangers en situation irrégulière nous met hors la loi. La CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme) s’est prononcée pour l’inversion du processus légal : l’immunité doit être la règle et les poursuites l’exception.
La circulaire alerte également préfets et procureurs sur le « caractère inopportun » des contrôles de police là où les associations humanitaires interviennent…
Il est de tradition républicaine et judéo-chrétienne que la police n’intervienne pas dans les lieux d’asile. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Comme il faut remplir les quotas d’expulsion, on va chercher les sans-papiers là où ils sont. C’est quand même un peu fou : on crée le problème puis on vient dire « Voyez comme on est gentils, on ne le fera plus!».
Avec le débat sur l’identité nationale, les questions sur l’immigration refont surface…
Je trouve l’ambiance extrêmement inquiétante. Comme les élections approchent, on remet l’immigration en avant pendant que Sarkozy va dans le « 9-3 » parler de sécurité. L’affichage électoraliste ne trompe personne.
Un débat sur l’identité nationale ne me choque pas, à condition qu’il ne soit pas tronqué. Là, on le fait tourner autour de la communauté nationale menacée par des corps étrangers. J’ai cosigné une tribune libre dans « Le Monde » qui dénonce la démagogie xénophobe qui le sous-tend.