, Camille Polloni ,30/11/2011
Dans son dernier rapport, Amnesty international demande des comptes sur la mort de cinq personnes, prises en charge par les services de police, entre 2004 et 2009.
Pour parler des violences policières en France, Amnesty International a choisi la voie des études de cas. Dans un rapport intitulé “Notre vie est en suspens : les familles des personnes mortes aux mains de la police attendent que justice soit faite”, l’association retrace le parcours de cinq personnes décédées après leur arrestation. Elle a présenté ses travaux mardi lors d’une conférence de presse.
Les circonstances de leur interpellation et leur âge varient, mais les difficultés de leurs familles sont les mêmes. Toutes demandent des éclaircissements sur les causes précises de la mort de leur proche et la responsabilité des policiers présents.
Certains procédures durent depuis plus des années, comme dans le cas d’Abou Bakari Tandia, mort en décembre 2004. “Il y a deux ans, je pensais que cette affaire serait bientôt terminée”, se souvient Yassine Bouzrou, avocat de la famille. “J’estime que la responsabilité n’est pas policière mais judiciaire. Aujourd’hui on est bloqués.” Izza Leghtas, auteure du rapport d’Amnesty, note que “dans de nombreuses affaires, il est extrêmement préoccupant que plusieurs années après, on n’ait pas de jugement”.
Pour le second cas, dès juin dernier, les Inrocks avaient pointé la lenteur de la procédure et les zones d’ombre de l’enquête. Au cours d’une interpellation policière nocturne, en juin 2007, Lamine Dieng décède dans un fourgon de police. Depuis, sa famille tente de faire inculper les policiers qui, eux, mettent en avant « l’état anormal » de Lamine au moment des faits. Le dossier semblait au point mort, mais la dernière expertise médicale, datant de juin 2010, pourrait faire évoluer la situation en faveur de la famille de Lamine Dieng.
En juin 2009, Ali Ziri, Algérien de 69 ans, est amené au commissariat d’Argenteuil pour un contrôle d’alcoolémie. Il aurait été laissé entre 30 minutes et 1h15 allongé sur le sol, menotté dans le dos. Amené à l’hôpital, il meurt le lendemain matin.
D’expertises en contre-expertises, son décès semble lié à la manière dont les policiers l’ont immobilisé, la position dite du “pliage”. Les trois juges d’instruction successivement chargés de cette affaire n’ont toujours pas entendu les policiers. “Nous nous orientons très certainement vers un non-lieu”, juge Stéphane Maugendre, avocat de la famille d’Ali Ziri. Un rassemblement était prévu mardi soir à Argenteuil.
En ce qui concerne la mort de Mohamed Boukrourou, mort dans un fourgon de police en novembre 2009, personne n’a été mis en examen. “On a toujours fait confiance à la police et à la justice”, affirme son frère, Abdelkader. “J’espère que vous allez être les relais de notre désespoir, de notre colère et surtout de notre révolte.” Lui et sa soeur Samira s’inquiètent de leur “nom entaché” : “dans l’esprit général, il n’y a pas de fumée sans feu, et s’il y a eu des violences c’est que mon frère a commis quelque chose de répréhensible. Il était inconnu des services de police.
Comme dans ses précédents rapports, Amnesty France demande des enquêtes indépendantes, des précisions sur les méthodes policières d’intervention et la prise en compte des conclusions de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS, désormais intégrée au Défenseur des droits) dans les investigations.
Patrick Delouvin, directeur du pôle Europe de l’association, s’est rendu lundi au ministère de la Justice pour présenter l’étude à deux conseillers du Garde des sceaux. “Nous avons sollicité le ministère de l’Intérieur, sans résultat pour l’instant”, précise-t-il. “Il est utile d’avoir un regard un peu global sur ces situations qui se suivent.