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Depuis l’élection de Hollande, l’immunité pour les personnes qui viennent en aide aux migrants a été élargie. Mais le transport reste répréhensible.
On trouve des choses étonnantes dans les archives d’Internet. Notamment cette intervention de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, devant la commission des lois du Sénat, le 25 juillet 2012 : «Notre loi ne saurait punir ceux qui, en toute bonne foi, veulent tendre une main secourable.» Valls propose alors de «mettre fin au délit de solidarité qui permet de poursuivre l’aide désintéressée, apportée [par des citoyens ou des associations] à des étrangers en situation irrégulière, sur la même base juridique utilisée pour les filières criminelles d’immigration». Soit, peu ou prou, ce qui est reproché à Cédric Herrou, un agriculteur de la vallée de la Roya, près de Nice, accusé d’avoir aidé des migrants (lire ci-contre). Rien n’aurait donc changé depuis la déclaration de Manuel Valls il y a presque cinq ans ? Pas tout à fait.
Une expression née sous Sarkozy
«C’est un slogan politique, résumant une situation politique et humanitaire, mais qui n’existe pas juridiquement à proprement parler», reconnaît l’avocat Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). L’expression apparaît au grand jour dans le débat public lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, à mesure que les associations révèlent la recrudescence d’affaires où des militants et bénévoles sont inquiétés pour être venus en aide à des sans-papiers. En 2009, plusieurs milliers de personnes se proclament «délinquants solidaires» et interpellent le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, Eric Besson, pour obtenir la suppression du «délit de solidarité». Dans leur viseur, l’article 622-1 du Ceseda, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Celui-ci prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende pour «toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France».
La gauche y a-t-elle mis fin ?
Lors de la campagne présidentielle de 2012, les candidats sont interpellés sur le sujet par les associations. Arrivée au pouvoir, la gauche s’engage bien dans une réforme de la législation, mais ne supprime pas pour autant le «délit de solidarité». La loi du 31 décembre 2012 réécrit l’article 622-4 du Ceseda et élargit les clauses d’immunité. Par exemple, les proches du conjoint d’un étranger ne peuvent plus être poursuivis s’ils lui procurent une «aide au séjour irrégulier».
Mais c’est surtout l’alinéa 3 qui assouplit les règles. Ainsi, lorsque l’acte reproché «n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci», aucune poursuite ne peut être engagée. En théorie, ces conditions sont assez larges pour assurer la sérénité de militants associatifs… Sauf que cela ne concerne que l’aide au séjour, et non l’aide à l’entrée et à la circulation sur le territoire français. En bref, transporter gratuitement un exilé est toujours passible de poursuite.
Comment la situation a-t-elle évolué en pratique depuis 2012 ?
«Les poursuites ont diminué après la crise de 2009, mais on observe une recrudescence depuis 2014 et le début de la crise migratoire», remarque Marine De Haas, responsable des questions européennes à la Cimade. C’est notamment dans le Calaisis et les Alpes-Maritimes, où militants et citoyens viennent régulièrement en aide aux migrants. De Haas évoque aussi les poursuites engagées pour des «motifs connexes, comme des outrages à agents, souvent pas avérés», dont le seul but, dit-elle, est d’«intimider» les bénévoles venant en aide aux migrants. Elle réclame l’abrogation du délit de solidarité pour les «aidants qui le font gratuitement», ce qui n’empêcherait pas de continuer à lutter contre les filières de passeurs. «D’autant plus, remarque Stéphane Maugendre, que ces citoyens viennent souvent pallier une carence manifeste de la France et des Etats européens dans l’accueil.»