RMC, 24/08/2016.
REACTIONS – A droite, la question du regroupement familial est au cœur des propositions des différents candidats à la primaire. La plupart veulent durcir les conditions de ce regroupement familial. Nicolas Sarkozy, de son côté, souhaite le suspendre.
Le dispositif de regroupement familial a été instauré en France par Valéry Giscard d’Estaing en 1976 et permet à plusieurs milliers de personnes de s’installer en France. Mais depuis quelques années, il est régulièrement remis en cause. Ces dernières semaines, alors que la primaire approche, cette question du regroupement familial est de nouveau au cœur des débats à droite. Si la plupart des candidats veulent en durcir les conditions, Nicolas Sarkozy va plus loin.
Dans son livre-programme Tout pour la France, sorti ce mercredi, l’ancien chef de l’Etat entré en campagne pour regagner l’Eysée estime que ce regroupement familial était une « erreur ». « Ce regroupement n’a cessé, écrit Nicolas Sarkozy, d’être l’objet de fraudes de procédures. L’attrait de prestations familiales à bon compte a exercé une pression phénoménale ». Il entend donc le suspendre.
« On ne peut pas interdire aux gens de vivre en famille »
Pour Stéphane Maugendre, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis et spécialiste du droit des étrangers, la proposition de Nicolas Sarkozy n’a pas de sens. « Je suis étonné qu’un juriste, avocat comme M. Sarkozy puisse solliciter une telle interdiction de regroupement familial puisque cela entraînera une condamnation de la France, estime sur RMC celui qui traite chaque année de nombreux cas de demande de regroupement. En effet, selon l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, on ne peut pas interdire aux gens de vivre en famille ».
« Les personnes qui se trouvent sur le territoire français et qui veulent voir venir leurs épouses ou leurs enfants, c’est pour vivre en France, s’intégrer en France, souligne-t-il encore. Lorsqu’on vit loin de sa famille, on ne s’intègre pas dans son pays ». De même Patrick Weil, historien et spécialiste de l’immigration, considère qu’avec cette proposition Nicolas Sarkozy fait fausse route.
« C’est infaisable »
« Le regroupement familial est au niveau le plus bas depuis qu’il existe. L’an dernier, selon les chiffres, cela concernait 23.000 personnes sur 210.000 immigrés alors même qu’il y en avait 80.000 dans les années 70, rappelle-t-il dans Bourdin Direct. Sous M. Sarkozy il y en avait 14.000 donc c’est vrai que la tendance est à la hausse sous la gauche. Mais le nombre est si petit que cela concerne principalement les gens qui ont des ressources déjà très élevées. Ça n’est pas du tout, aujourd’hui, le problème de la France. Aujourd’hui, le problème c’est qu’il y a des enfants français, nés de parents français, venus soit d’Outre-mer, soit d’anciens territoires de l’Empire français, qui ne trouvent pas d’emploi. Et le regroupement familial est tout à fait mineur par rapport à ce sujet ».
« Suspendre ou supprimer le regroupement familial ne résoudra aucun problème, ajoute-t-il. Et de toute façon il n’y arrivera pas car dans la Constitution, comme dans la Convention européenne des Droits de l’Homme, le droit à une vie familiale est garanti. Je pense donc que M. Sarkozy veut attirer certains électeurs et qu’il va les mécontenter car il propose des choses infaisables, qui vont créer de la tension dans le pays, qui vont être nuisible économiquement et du point de vue de notre unité ».
Qu’est-ce que le regroupement familial?
Environ 23.000 personnes s’installent chaque année en France dans le cadre du regroupement familial, selon des chiffres du ministère de l’Intérieur (octobre 2015). Cela représente une infime partie de l’immigration dans notre pays puisque on estime que chaque année plus de 210.000 étrangers arrivent en France de manière légale.
Au fil des ans et des crises économiques, la procédure de regroupement familial s’est durcie. Les critères sont de plus en plus sélectifs et nombreux. La personne qui souhaite faire venir sa famille doit être installée en France depuis plus de 18 mois, elle doit avoir un salaire régulier, équivalent au SMIC si elle veut pouvoir accueillir une ou deux personnes. Elle doit aussi justifier d’un logement suffisamment spacieux et salubre pour accueillir sa famille. A noter que le maire de la commune a également un droit de regard sur la demande.