Marie Boeton, 14/01/2016
Robert Lawrie comparaît, jeudi 14 janvier, pour avoir tenté de faire passer clandestinement la frontière à une enfant de la jungle de Calais.Le Gisti déplore une multiplication des procédures judiciaires à l’encontre des bénévoles et une réapparition du « délit de solidarité ».
Robert Lawrie fait profil bas. « J’ai fait une erreur et je m’excuserai devant le juge », explique ce père de quatre enfants. Son avocate invoque, elle, « un geste d’humanité ». L’ancien militaire anglais, très impliqué depuis l’été dernier auprès des réfugiés de Calais, comparaît devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-mer pour avoir tenté de faire franchir la frontière en octobre à Bahar, une petite Afghane de 4 ans. Le père de l’enfant l’aurait imploré d’emmener la fillette outre-Manche rejoindre le reste de sa famille.
Prison ferme à la clé
Le prévenu est poursuivi pour avoir « facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger » (art. 622-1 du Ceseda). À ce titre, il encourt cinq ans de prison et une amende de 30 000 €. On imagine mal toutefois qu’une peine de prison ferme soit prononcée contre l’intéressé.
D’autant qu’il est soutenu par un large comité de soutien. Une pétition -réclamant la clémence des autorités – dépasse même les 100 000 signatures. Plusieurs responsables associatifs devraient, par ailleurs, viendront témoigner à la barre en sa faveur.
Un retour du « délit de solidarité » ?
Les associations ont longtemps dénoncé le fait que les bénévoles puissent faire l’objet de poursuites pour avoir tendu une main secourable aux réfugiés. Depuis la loi du 31 décembre 2012 cependant, ces poursuites sont strictement encadrées. S’il reste formellement interdit de participer à un réseau organisant la venue de migrants, il est désormais possible de leur « fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux (…) ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci » sans être inquiété. Les responsables associatifs se sont alors félicités de la suppression du « délit de solidarité ».
Et pourtant, le président du Gisti, déplore une multiplication des poursuites ces derniers mois. « Les militants sont à nouveau dans le viseur de la justice, dénonce Stéphane Maugendre. Aujourd’hui, c’est autour de Rob Lawrie mais, il y a peu, c’était au tour d’une retraitée de Grasse d’être condamnée pour être venue en aide à deux Érythréens. Simplement pour les avoir emmenés en voiture de Nice à Antibes. Un bénévole de Perpignan a aussi récemment été poursuivi pour avoir accueilli une famille de réfugié. On assiste, de fait, à une réapparition du délit de solidarité. »
> À lire : L’abrogation du délit de solidarité, un acte symbolique
L’aide à la circulation
Le ministère public justifie ces poursuites. « Le droit est très clair : on peut héberger un migrant ou lui donner à manger mais il reste formellement interdit de faciliter leur circulation, et a fortiori de les aider à passer la frontière », explique un magistrat. Des nuances qu’ignoreraient certains bénévoles. Notamment ceux agissant en dehors des structures associatives.
Pour sa part, Pierre Henry, le président de France terre d’asile, appelle quoi qu’il en soit la justice à être clémente lorsque « la bonne foi du prévenu est établie ».