François Béguin, 03/10/2013
Plusieurs dizaines de barreaux ont annoncé leur ralliement au mouvement de grève des avocats prévu vendredi pour protester contre une refonte controversée de l’aide juridictionnelle, qui offre aux justiciables les plus modestes la prise en charge, par l’Etat, des frais et honoraires de justice. Le projet de budget 2014 modifie le barème d’indemnisation des avocats qui assistent les bénéficiaires de cette aide ce qui induit, dans plusieurs juridictions, une baisse des tarifs, inchangés depuis 2007. Témoignage d’un avocat.
Avocat depuis vingt-cinq ans à Bobigny (Seine-Saint-Denis), Stéphane Maugendre en est convaincu : la baisse de l’aide juridictionnelle (AJ) se fera d’abord « au détriment des justiciables » qui pourraient y perdre la possibilité de bénéficier du conseil d’avocats expérimentés. « Aujourd’hui, au sein de notre cabinet, cette aide couvre à peine nos frais, explique-t-il. Si demain le poids de ces dossiers devient trop lourd financièrement, si on perd de l’argent, on arrêtera. La question se pose notamment pour le droit de la famille, qui prend beaucoup de temps et où les enjeux sont considérables. »
Sur les huit premiers mois de l’année, l’aide juridictionnelle a représenté 22,6 % du chiffre d’affaires de son cabinet, qui compte cinq avocats associés et deux avocats collaborateurs. Le barreau de Bobigny a fait ses calculs : la réforme devrait aboutir à une réduction de 11 % de la rémunération de l’ensemble des avocats au titre de l’AJ. Soit une perte de près de 12 000 euros sur une année pour le cabinet de Stéphane Maugendre. » Cela nous obligerait sans doute à passer une de nos collaboratrices à mi-temps « , déplore-t-il.
Aujourd’hui, Stéphane Maugendre touche par exemple dix-huit unités de valeur (UV) de 22,50 euros pour venir en aide tout au long de l’instruction à une femme victime de viol. Pour suivre ce dossier, qui pourra lui demander entre 20 à 30 heures – parfois plus – disséminées sur plusieurs années, il touchera au final 405 euros. « Avec une baisse de 10 %, je ne toucherai plus que 360 euros. » Somme à laquelle il doit encore retrancher 70 % de frais de fonctionnement de son cabinet. « Hors aide juridictionnelle, et sous réserve de modulations, je demande 200 euros hors taxe de l’heure à un client », précise-t-il.
« J’ai toujours fait de l’aide juridictionnelle par désir militant, ajoute l’avocat, par ailleurs président du groupe de soutien et d’information des immigrés (Gisti). Si cette aide représente aussi près d’un quart de mon chiffre d’affaires, elle m’empêche aussi de développer une clientèle plus rémunératrice. » Vendredi 4 octobre, Stéphane Maugendre fera grève. « Parce que les avocats doivent aider les plus démunis mais qu’ils ne peuvent pas le faire à perte. »