Accusée d’avoir aidé un sans-papiers

11/05/2009

« Je passe en justice pour avoir hébergé une personne en situation irrégulière. Cette personne, c’était mon futur époux. Il a été expulsé une semaine avant notre mariage. » Jennifer Chary, 23 ans, comparaît ce matin en correctionnelle à Dijon (Côte-d’Or).
LP/Philippe Lavieille
LP/Philippe Lavieille
 Elle est poursuivie sur le fondement de l’article L. 622 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui prévoit jusqu’à cinq ans de prison et 30 000 € d’amende à quiconque « aurait, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France ». Cet intitulé, Jennifer le connaît maintenant par coeur. Malgré elle, la jeune femme est devenue un enjeu de la polémique qui oppose associations de défense des étrangers et partis de gauche au ministre de l’Immigration. Un exemple de ce que les premiers ont baptisé « le délit de solidarité » et, à l’inverse, un « mythe » selon Eric Besson. « C’est plus qu’un mariage de complaisance », a martelé hier le ministre de l’Immigration durant l’émission « Ripostes », sur France 5, au sujet de cette jeune femme.

Suspicion de mariage blanc

Jennifer et M’hamed se sont rencontrés en juillet 2008 et se sont vite installés ensemble. Un jour, Jennifer apprend de son amoureux, Marocain de 24 ans arrivé en France en 2006 avec un visa court séjour, qu’il est un « sans-papiers » . Avec naïveté, la jeune femme pense que leur mariage arrangera tout. En février 2009, le couple dépose un dossier à la mairie de Dijon. Convoqués début mars en entretien séparé, Jennifer et M’hamed en ressortent rassurés, avec une date de mariage : « le 11 avril à 16 heures ».

Dix jours après, alors que son fiancé est parti acheter son costume à Paris, Jennifer reçoit un appel du commissariat de police. « Ils m’ont interrogée durant des heures : depuis combien de temps on se connaissait ? Avions-nous eu des rapports…

A la fin, ils m’ont donné le papier pour le tribunal. » Prié de se présenter, son fiancé se réfugie chez son témoin, finit par être interpellé, transféré en rétention à Lyon et expulsé.

En théorie, Jennifer aurait dû bénéficier de l’immunité pénale assurée aux concubins de clandestins par l’alinéa 4 du L. 622. En pratique, elle subit les conséquences d’une suspicion de mariage blanc. Pour Me Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), association moteur du « mouvement des délinquants de la solidarité » relancé par le film « Welcome » de Philippe Lioret, le cas de cette jeune femme « est symptomatique de l’utilisation de cet article de loi à l’encontre de particuliers ». Pour les autorités, il est à l’inverse « mal choisi », Jennifer Chary ayant, d’après elles, « multiplié les actes visant à faire obstacle à l’application de la loi pour éviter la reconduite » de son fiancé.

La jeune femme, elle, attend son audience avec sérénité. Loin des débats juridico-sémantiques sur les « condamnés » ou autres « aidants » poursuivis et des récentes passes d’armes à l’Assemblée ( une proposition de loi PS visant à la modification de cet article y a été rejetée le 5 mai).

Le ministre de l’Immigration a signé hier soir un texte qui ouvre l’assistance juridique aux sans-papiers placés en rétention à six associations. Jusqu’à présent, seule la Cimade était autorisée à intervenir dans les centres de rétention administrative (CRA).

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