, Propos recueillis par Anne-Cécile Juillet, 07/05/2006
Stéphane Maugendre, avocat et président du Gisti décrypte les conditions de la régularisation.
LES DÉPUTÉS achèveront mardi l’examen du projet de loi de Nicolas Sarkozy sur l’immigration. Vendredi soir, l’Assemblée nationale a adopté l’une des mesures phares du texte : la suppression de la régularisation automatique des immigrés clandestins au bout de dix ans de présence en France.
Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), redoute que les régularisations soient soumises à « plus d’arbitraire ». Comment percevez-vous cette mesure ?
Stéphane Maugendre. Nous étions déjà critiques au moment où cette durée de dix ans a été décidée par Jean-Pierre Chevènement, parce qu’il n’y a pas de durée pertinente, a priori, qui puisse justifier de l’intégration d’une personne. D’autant que cela ne concerne que très peu de monde : seulement 3 000 immigrés sont régularisés chaque année par cette voie. C’était donc beaucoup de bruit pour rien. En revanche, l’idée des régularisations au cas par cas est inquiétante : car celles-ci vont dépendre de la bonne volonté des préfets ou des élus locaux. C’est la certitude de l’arbitraire le plus total.
Concrètement, qu’est-ce que cela va changer dans la vie des immigrés clandestins ?
L’immense majorité des clandestins en France travaillent. Certains ont des fiches de paie, et d’ailleurs, c’est ce qui leur permettait d’être régularisés de plein droit au bout de dix ans. Cette nouvelle mesure va précariser encore davantage leur situation, les mettre encore plus sous la coupe d’employeurs indélicats ou de ces marchands de sommeil qui profitent de leur situation. On a appris que des Dash 8, habituellement utilisés comme avions bombardiers d’eau par la sécurité civile, ont été utilisés pour ramener des clandestins dans leur pays d’origine… Ce sont des façons d’agir absolument scandaleuses ! C’est pire qu’un charter, cela fait vraiment penser que l’on prend ces gens pour du bétail. Mais le plus inquiétant, c’est que cela s’est fait dans le plus grand secret. Sarkozy avait promis de la transparence : c’est exactement le contraire qui se produit. Qu’est-ce qui nous assure que tous les protocoles, notamment en termes de droits ou d’hygiène, ont été respectés ?