, Raphaëlle Besse Desmoulières, 11/07/2003
Arrivé à Tunis, il n’a qu’un numéro de téléphone, celui d’une tante jamais vue . « Je vais enfin sortir du pétrin. J’attends ça depuis dix-huit ans. » Fayçal Missaoui, un Tunisien de 36 ans menacé d’expulsion, affiche un optimisme beaucoup plus tranché que Me Stéphane Maugendre. Tandis que son client rêve désormais à haute voix d’un avenir « avec des papiers », l’avocat sait que « ce ne sera pas si simple que cela » et rappelle que de nombreux étrangers touchés par la double peine « ne seront pas concernés par cette nouvelle loi. » Fayçal Missaoui est arrivé de Tunisie à l’âge de 3 ans.
Avec sa mère et ses sept frère et sœurs, il est venu rejoindre son père, installé depuis peu à Villeurbanne, près de Lyon. C’était en 1970. Aujourd’hui, le jeune homme est menacé d’être renvoyé en Tunisie après avoir été condamné, il y a six ans, pour trafic de stupéfiants et séjour irrégulier.
Cette situation, Fayçal l’a déjà vécue à 20 ans après une précédente condamnation pour vol et séjour irrégulier. « Ma mère et ma sœur étaient en pleurs à l’aéroport. Elles avaient juste eu le temps de m’apporter un sac d’affaires. » A son arrivée à Tunis, Fayçal n’a qu’un numéro de téléphone en poche, celui d’une tante qu’il n’a jamais vue. « C’était une inconnue pour moi. Je suis allée chez elle mais j’étais gêné. » La Tunisie n’évoque rien chez le jeune homme. Il comprend l’arabe mais ne le parle pas.
Il n’est retourné qu’une seule fois dans son pays d’origine, à 12 ans pendant les grandes vacances.
«Mon pays, c’est la France : j’y ai mes racines, mes attaches. Je me suis toujours senti fiançais avant d’être tunisien. »
TROIS SÉJOURS EN PRISON
Après quelques mois à Tunis, il revient clandestinement en France en passant par l’Italie. Et retrouve la vie de délinquant qu’il a presque toujours connue depuis qu’à 14 ans, il a quitté l’école. Une vie qui lui a valu trois séjours en prison. « Quand j’étais libéré, j’essayais de travailler au noir mais ce n’était vraiment pas facile. Mal famille était complètement dépassée. Très vite je refréquentais les mauvaises personnes et retombais dans l’engrenage. » Après sa dernière condamnation, en 1997 à 5 ans de prison et 5 ans d’interdiction du territoire, il décide de s’en sortir : en prison, il passe un BEP de comptabilité et est employé au nettoyage.
Mais à sa sortie, en décembre 2002, les policiers l’attendent ! pour le conduire à l’aéroport. Une de ses sœurs et un ami se mobilisent : ils font du bruit, convoquent les associations, la télévision et, en janvier, son avocat obtient qu’il soit assigné à résidence en France. « Un miracle », qui lui évite, pour le moment, de se retrouver dans un avion en direction de la Tunisie.
Depuis, Fayçal vit avec la menace permanente d’une résiliation par le ministère de l’intérieur de son assignation. « Depuis six mois, je vis aux crochets de mon entourage. Je me sens mal dans ma peau. Je veux pouvoir me loger, travailler, me soigner. Avoir tout simplement une vie décente. J’ai payé ma dette. Maintenant, j’aimerais qu’on me donne ma chance. »