M.P. (avec Reuters) 1/04/2010
Eric Besson a présenté mercredi en Conseil des ministres un nouveau projet de loi sur l’immigration, destiné à durcir les conditions d’entrée sur le territoire des sans-papiers.
On le disait affaibli après la débâcle des régionales et le sursaut du FN. Pourtant, Eric Besson a échappé au remaniement ministériel et il continue de durcir sa politique en matière d’immigration. En témoigne le nouveau texte, le sixième en la matière depuis 2002, présenté mercredi en Conseil des ministres. Il modifie le code de l’entrée et du séjour des étrangers en France en allongeant de 32 à 45 jours la durée de rétention administrative. Aux critiques, le ministre de l’Intégration rétorque que cette durée reste bien inférieure à celle d’autres pays européens. « Elle est aujourd’hui de 60 jours au Portugal, de 6 mois aux Pays-Bas, en Autriche ou en Hongrie, de 8 mois en Belgique, 18 mois en Allemagne, de 24 mois en Suisse, illimitée au Royaume-Uni« , écrit-il dans une présentation du texte. Le projet prévoit aussi la possibilité d’assortir l’expulsion d’une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée pouvant aller jusqu’à trois ans.
Le projet de loi instaure également des zones d’attente « dématérialisées », en cas d’arrivée massive de migrants, lorsqu’ils sont interpellés en dehors de tout point de passage frontalier. Cette disposition vise à accroître la latitude de l’administration pour éloigner les étrangers en situation irrégulière, alors que le gouvernement s’est fixé pour objectif d’expulser environ 30.000 personnes par an. Autre mesure d’importance: les conditions de naturalisation seront durcies. Le projet de loi assujettit l’acquisition de la nationalité française à la signature d’une « charte des droits et devoirs du citoyen« , entérinant l’adhésion « aux principes et aux valeurs essentielles de la République » et l’engagement à apprendre la langue française. Si ce contrat n’est pas respecté, le titre de séjour peut ne pas être renouvelé. Toutes ces mesures sont susceptibles d’empêcher les femmes portant le voile intégral d’obtenir la naturalisation.
Pas de « délit de solidarité »
Un volet est également prévu pour renforcer les sanctions « contre les personnes qui recourent sciemment, directement ou indirectement, à l’emploi d’étrangers sans titre de séjour« . Les employeurs qui continuent d’avoir recours à une main d’œuvre sans-papiers devront rembourser les aides publiques reçues l’année précédent l’infraction et leur établissement pourra être fermé pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Sur un plan pénal, l’infraction sera punie d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 15.000 euros.
Seul point de détente du texte: l’explicitation de l’immunité pénale pour ceux qui apportent une aide humanitaire d’urgence aux clandestins, ce qui met fin aux polémiques sur le « délit de solidarité ». Pour autant, les associations et syndicats sont nombreux à dénoncer ce texte. Des responsables d’associations d’aide aux migrants critiquent la restriction du contrôle du juge des libertés après le désaveu infligé au gouvernement dans l’enfermement de Kurdes débarqués en Corse en janvier dernier. « Garde à vue comprise, un étranger pourra être privé de liberté pendant une semaine sans voir un juge« , s’inquiète dans Le Monde de jeudi Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Dans un entretien au JDD.fr accordé en février dernier, il estimait que ce texte, tel qu’il était présenté ne serait pas conforme à la Constitution. « Le gouvernement veut retirer au juge judiciaire, garant des libertés fondamentales dans la Constitution, ce rôle précisément. On peut espérer que le Conseil constitutionnel sanctionne un certain nombre de choses si le texte passe tel quel ».