SIX ANS après leur premier appel contre la loi Debré sur les étrangers, les cinéastes récidivent. Le même journal comme support – les Inrockuptibles -, la même solidarité avec les sans-papiers, le même mode d’interpellation des autorités publiques – une pétition « citoyenne » -, et la même phraséologie – « appel à la désobéissance ». Le 28 mai, l’hebdomadaire lançait une pétition, appelée « manifeste des délinquants de la solidarité », sur l’hébergement et l’aide aux sans-papiers.
En 1997, les pétitionnaires s’étaient élevés contre les poursuites engagées à l’encontre d’une militante lilloise poursuivie pour avoir hébergé un sans-papiers. Le mouvement s’était ensuite transformé en protestation contre la loi Debré, qui durcissait les conditions d’obtention des certificats d’hébergement des étrangers en visite en France. « Ce qui est proposé aujourd’hui est encore plus dur », estime l’avocat Stéphane Maugendre, vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés.
Le 19 juin, l’Assemblée nationale commencera l’examen du projet de loi sur l’immigration de Nicolas Sarkozy. Le texte prévoit une peine de prison de dix ans et une amende de 750 000 euros pour « toute personne qui (…) aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, le séjour irréguliers d’un ranger en France ou dans l’espace international [zone d’attente] ». Le projet étend ces condamnations aux « personnes morales », c’est-à-dire aux associations, dont les biens pourront être saisis.
Les cinéastes Laurent Cantet, Catherine Corsini et Jean-Pierre Thorn, les metteurs en scène Daniel Mesguich, Ariane Mnouchkine, Olivier Py et Jacques Weber, les comédiens Jeanne Balibar, Jean-François Perrier, Denis Podalydès, Karin Viard, et les musiciens Rodolphe Burger, Noir Désir, Sergent Garcia, les Têtes raides se disent solidaires des «centaines d’associations, des milliers de citoyens qui accueillent, aident, informent sur leurs droits des étrangers ». Des intellectuels comme Etienne Balibar, Monique Chemiller-Gendreau, Annie Collovald, Frédéric Lebaron, Gérard Mau- ger, Yann Moulier-Boutang, Jean-Luc Nancy, Johanna Siméant, Pierre Vidal-Naquet ou Loïc Wacquant les ont suivis. « Nous déclarons avoir aidé des étrangers en situation irrégulière, déclarent-ils. Nous déclarons notre ferme volonté de continuer à le faire. Si la solidarité est un délit, je demande à être poursuivi(e) pour ce délit. » 123 organisations, associations et syndicats se sont joints à l’appel. Et 2 000 signatures individuelles sont arrivées en à peine huit jours via le site Internet (www.gisti.org).