Gérard Bon, Source : Reuters, 31/03/10
Le ministre de l’Immigration Eric Besson, partisan de l’interdiction totale de la burqa en France, a présenté en Conseil des ministres son projet de loi sur l’immigration et la nationalité, le sixième depuis 2002.
Des responsables d’associations d’aide aux migrants dénoncent ce texte, qui restreint notamment le contrôle du juge des libertés après le désaveu infligé au gouvernement dans l’enfermement de Kurdes débarqués en Corse en janvier dernier.
« Garde à vue comprise, un étranger pourra être privé de liberté pendant une semaine sans voir un juge », s’alarme dans Le Monde, daté du 1er avril, Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).
Le Syndicat de la magistrature s’inquiète également dans un communiqué d’un projet « visant à restreindre encore les droits des étrangers » à l’occasion de la transposition de trois directives communautaires.
Ce texte modifie le code de l’entrée et du séjour des étrangers en France en allongeant la durée de rétention administrative, qui passe de 32 à 45 jours.
En réponse aux critiques des associations de défense des étrangers, Eric Besson affirme que cette durée reste très inférieure à celle des autres pays européens.
« Elle est aujourd’hui de 60 jours au Portugal, de 6 mois aux Pays-Bas, en Autriche ou en Hongrie, de 8 mois en Belgique, 18 mois en Allemagne, de 24 mois en Suisse, illimitée au Royaume-Uni », écrit-il dans une présentation du texte.
Le projet crée également une interdiction de retour sur le territoire français et instaure des zones d’attente « dématérialisées » lorsque des étrangers sont interpellés en dehors de tout point de passage frontalier.
Cette disposition vise à accroître la latitude de l’administration pour éloigner les étrangers en situation irrégulière, alors que le gouvernement s’est fixé pour objectif d’expulser environ 30.000 personnes par an.
CHARTE DES DROITS ET DEVOIRS
Le texte inverse en effet le moment où les juges administratifs et judiciaires statuent. Le juge administratif, qui se prononce sur la légalité de la mesure d’éloignement, interviendra désormais avant le juge de la liberté et de la détention, garant des libertés fondamentales, dit le texte.
Après les polémiques sur le « délit de solidarité », que le ministre avait longtemps nié, le projet de loi rend plus explicite l’immunité pénale de ceux qui apportent une aide humanitaire d’urgence aux sans-papiers.
Autre mesure phare: le texte écarte de la naturalisation ceux qui ne justifieraient pas de leur assimilation à la communauté française par l’adhésion « aux principes et aux valeurs essentielles de la République. »
Pour garantir cette assimilation, une personne souhaitant devenir française devra signer une « charte des droits et devoirs du citoyen français » et l’exigence d’une bonne connaissance de la langue française sera renforcée.
Toutes ces dispositions sont susceptibles d’empêcher les femmes portant le voile intégral d’obtenir la naturalisation.
Interrogé mercredi sur Europe 1, Eric Besson s’est dit « favorable à l’interdiction totale de la burqa ».
La même logique sera appliquée lors du renouvellement des titres de séjour. « Le contrat d’accueil et d’intégration est assorti d’un système de sanctions », dit le texte.
Dans la lutte contre l’immigration irrégulière, le projet vise à renforcer les sanctions « contre les personnes qui recourent sciemment, directement ou indirectement, à l’emploi d’étrangers sans titre de séjour ».
Il exige que les ressortissants étrangers, avant d’occuper un emploi, disposent d’un titre de séjour valable et oblige les employeurs à tenir, au moins pendant la durée de la période d’emploi, une copie de l’autorisation de séjour.
Les contrevenants devront rembourser les aides publiques reçues l’année précédent l’infraction et leur établissement pourra être fermé pour une durée ne pouvant excéder trois mois.
Sur le plan pénal, le fait pour un particulier ou une entreprise de recourir aux services d’un employeur d’un étranger sans titre de séjour sera puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 15.000 euros.