A.-C.J. et P.É., 09/01/2008
LE MINISTRE de l’Immigration et de l’Identité nationale a beau marteler que sa mission ne se réduit « ni à des chiffres ni à des lettres » (allusions à ses objectifs de reconduites à la frontière et aux tests ADN), hier le message de Nicolas Sarkozy à son adresse tendait plutôt à prouver le contraire.
Il a réaffirmé sa politique de contrôle de l’immigration et d’expulsion des sans-papiers, demandant à Brice Hortefeux d’aller « jusqu’au bout d’une politique fondée sur les quotas ».
« Cela fait trop longtemps qu’on en parle. Tout le monde sait que c’est la seule solution. Eh bien, il faut franchir le pas et arrêter de vouloir protéger les uns, ne pas choquer les autres », a poursuivi le président de la République, invoquant l’exemple de l’Espagne et de l’Italie en termes de reconduites massives aux frontières.
Rome a expressément démenti les propos de Nicolas Sarkozy concernant des expulsions groupées entre les trois pays.
Des « concepts réactionnaires »
L’idée des quotas est toujours jugée inacceptable par les organisations de défense des droits de l’homme. Pierre Henry, le président de France Terre d’Asile, fait valoir que le respect des engagements de la France au niveau international et le texte même de la Constitution française empêchent légalement de pouvoir recourir aux quotas dans 85 % des cas. La députée PS Delphine Batho dénonce de son côté les « concepts réactionnaires » du président, qui viseraient uniquement à « enrayer sa chute dans les sondages ». Mais pour l’Elysée, l’« immigration choisie » passe par ces objectifs quantitatifs, qui désormais devront être débattus au Parlement. En 2007, ce ne sont non pas 25 000 personnes qui ont été reconduites à la frontière, comme le prévoyaient les objectifs annuels, mais plutôt
23 000.
Par ailleurs, Nicolas Sarkozy souhaite la création d’une juridiction particulière, entièrement dédiée au droit des étrangers. Jusqu’ici, ce sont les juges administratifs et judiciaires qui statuent sur le sujet. Selon le ministère de l’Immigration, sollicité à la suite de la conférence
de presse du président, il s’agirait seulement de choisir l’une ou l’autre de ces juridictions, avec pour objectif de « simplifier les procédures ». Les syndicats de magistrats, SM (gauche) et USM (majoritaire), ont immédiatement réagi, avançant qu’une juridiction de ce type remettrait en question la Constitution même, puisque c’est le Conseil constitutionnel qui exige cette dualité.
« On ne peut pas s’affranchir de la sorte des grands principes du droit français, notamment en matière de libertés individuelles, selon Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti, le Groupe d’information et de soutien des immigrés. C’est une manière de dire
Laissez-nous expulser tranquillement, sans contrôle judiciaire.»