Non-assistance à un bateau de migrants : l’armée est-elle coupable?

logo-liberation-311x113 Willy Le Devin ,

En mars 2011, un bateau fuyant la Libye n’a reçu aucun secours des navires militaires présents sur la zone. La cour d’appel a jugé recevable une plainte de réfugiés soutenus par des associations.

L’armée a-t-elle sciemment tourné le dos à un bateau de migrants à la dérive ? C’est la question sur laquelle la justice va désormais devoir plancher. Ce jeudi, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a jugé recevable une plainte contre X déposée par deux survivants, Girma Halofom et Abu Kurke Kebato, pour «non-assistance à personne en danger». Dans cette procédure, ils sont épaulés par plusieurs ONG, notamment le Gisti et la Ligue des droits de l’homme (LDH).

Que s’est-il passé ?

Dans la nuit du 26 au 27 mars 2011, entre minuit et 2 heures du matin, un zodiac quitte Tripoli, alors en pleine guerre avec la coalition, pour rejoindre Lampedusa. A bord, 72 personnes s’entassent les unes sur les autres (70 adultes âgés de 20 à 25 ans, parmi lesquels plusieurs femmes enceintes, et 2 bébés). Le bateau, piloté par un Ghanéen et équipé d’un GPS, d’une boussole et d’un téléphone satellitaire, navigue deux jours puis tombe en panne de carburant. Durant quinze jours, les migrants vont dériver en attendant désespérement que l’on vienne les secourir. Malheureusement, le zodiac est retrouvé brisé sur les côtes libyennes le 10 avril 2011 au matin.

Sur quels éléments se basent les plaignants ?

Les survivants affirment que des gardes-côtes italiens ont relayé leurs signaux de détresse à l’ensemble des navires circulant dans le canal de Sicile. Des messages radio auraient été transmis toutes les quatre heures au quartier général de l’Otan basé à Naples. Pour preuve, un hélicoptère est venu distribuer de l’eau et de la nourriture. Mais, ensuite, aucun des nombreux bâtiments militaires engagés dans l’opération «Harmattan et Unified Protector», destinée à destituer Mouamar Kadhafi, n’est venu porter secours à l’embarcation. Pire, selon Girma Halofom et Abu Kurke Kebato, un navire décrit comme un porte-avions, de nationalité non-précisée, se serait approché des migrants vers le 3 ou le 4 avril, et le personnel de bord aurait pris des photos au moment même où plusieurs personnes étaient sur le point de décéder.

A lire aussi «On a vu plusieurs bateaux, mais ils ne nous ont pas aidés», le témoignage d’Abu Kurke

Que peut faire la justice ?

Celle-ci va désormais se tourner vers les états-majors des pays de la coalition afin qu’ils transmettent les positions exactes de leurs bâtiments en manœuvre. Par la suite, il s’agira d’étudier l’ensemble des communications passées entre les navires et le QG napolitain. Un juge d’instruction est chargé d’enquêter alors même que l’enquête préliminaire avait été classée. Mais sa tâche s’annonce ardue du fait des classements «secret-défense».

⇒ Voir l’article

Voir aussi notre carte animée Deux minutes pour comprendre comment l’Europe se barricade

Avocat