La création d’un nouveau fichier provoque la polémique

  Pascale Égré, 31/15/2007

«ELOI », le retour. Ainsi baptisé, un fichier des étrangers « faisant l’objet d’une mesure d’éloignement » vient d’être créé par un décret gouvernemental du 26 décembre, publié hier au « Journal officiel ». Souhaitée par l’ex-ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy comme outil de lutte contre l’immigration irrégulière, la création du fichier avait été annulée il y a six mois par le Conseil d’Etat.

Saisis par des associations, les Sages avaient jugé « illégal » l’arrêté ministériel du 30 juillet 2006. L’annulation ne valait pas « interdiction » : le texte devait être soumis à un avis dela Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et préciser la durée de conservation des données et les modalités d’habilitation des personnes pouvant y accéder.

« Ce texte entérine un délit de solidarité »

Le ministère de l’Immigration, auteur d’un texte désormais « approuvé » par la Cnil et le Conseil d’Etat, défend la nouvelle mouture comme « inattaquable au plan juridique ». Le décret n°2007-1890 rappelle d’abord que le fichier doit « permettre le suivi et la mise en oeuvre des mesures d’éloignement » et « d’établir des statistiques » les concernant. Il dresse une longue liste des « données à caractère personnel » qu’un étranger expulsable doit fournir : son état civil, mais aussi celui de ses parents et de ses enfants, ou encore les langues parlées. Conservées pendant trois ans, ces informations pourront être consultées par des agents des services centraux du ministère de l’Intérieur, des préfectures, de la police et de la gendarmerie « spécialement habilités ». Toutes les situations sont prévues (prison, centre de rétention…), avec une particularité en cas d’assignation à résidence : le fichier enregistrera aussi, durant trois mois, les informations concernant les personnes hébergeant les étrangers concernés.

Les associations qui avaient à l’époque saisi le Conseil d’Etat ont réagi de façon mitigée à la nouvelle version. La Cimade a pris acte de la suppression du fichage des visiteurs des étrangers en centres de rétention administrative, prévu par le premier texte. « Mais le chemin n’a été fait qu’à moitié, a souligné son secrétaire général, Laurent Giovannoni, qui voit dans le recensement des personnes qui hébergent des étrangers assignés à résidence « une porte ouverte à des poursuites pour délit d’aide au séjour irrégulier ». Même inquiétude pour Dominique Sopo, de SOS Racisme : « Ce texte entérine un délit de solidarité », critique-t-il.

La conservation des données de filiation interpelle le président de la Ligue des droits de l’homme : « Pourquoi vouloir les garder trois ans, si ce n’est pour faciliter la traque des enfants de sans-papiers dans les écoles », interroge Jean-Paul Dubois.

Pour Pierre Henry, directeur de France Terre d’asile, le fichier s’inscrit « dans une philosophie de « Big Brother » qui tend à faire de l’immigration une question d’affrontement permanent. » Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti, le Groupe d’information et de soutien des immigrés, déplore quant à lui ce qu’il estime être le « signe malsain » d’une « folle et cynique logique du chiffre ».

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