Propos recueillis par Nelly Terrier, 13/04/2006
VICE-PRESIDENT du Gisti, Groupement d’information et de soutien aux immigrés, et avocat, Stéphane Maugendre pense que ce genre d’affaire va s’accroître « car la demande de papiers va devenir de plus en plus forte ».
Un haut fonctionnaire de la préfecture de police de Paris incarcéré pour corruption et aide au séjour irrégulier, cela vous étonne-t-il ?
Stéphane Maugendre. C’est toujours anormal qu’un fonctionnaire, quels que soient son grade et ses responsabilités, soit incarcéré pour des faits de ce genre, qui sont graves. En même temps, je dois à la vérité de dire qu’il y a régulièrement des personnes – notamment dans les services des préfectures qui délivrent des titres de séjour aux étrangers – qui sont mises en examen dans des affaires de ce genre. Pour autant, n’en concluons tout de même pas que tous les fonctionnaires sont corrompus, ce qui est loin d’être le cas.
Comment expliquez-vous la récurrence de ce genre de faits ?
Par l’appât du gain, tout simplement. Je n’ai jamais entendu parler de fonctionnaires qui délivraient de faux papiers pour des raisons humanitaires ou idéologiques. Les étrangers en situation irrégulière
vivent une telle peur au quotidien qu’ils sont prêts à payer des fortunes pour obtenir des papiers. Tous ceux que je vois dans mon cabinet d’avocat ont un travail. Ils sont payés au noir, souvent au lance-pierres. Ils vivent la trouille au ventre d’être arrêtés dans le métro, sur le chantier où ils bossent, etc. Ils ont besoin de papiers pour pouvoir vivre normalement.
Combien coûtent des faux papiers ?
Il y en a de deux sortes. Les vrais-faux sont délivrés frauduleusement par l’administration dans le cadre de filières de corruption. Ce sont de vrais papiers. Les faux sont fabriqués de toutes pièces et vendus au marché noir. Ils sont peu fiables car repérables facilement en cas de contrôle d’identité. Ils coûtent bien moins cher que des vrais-faux. Il est difficile de connaître le coût, je me suis laissé dire qu’un vrai-faux pouvait aller jusqu’à 4 000 €, voire plus. Il faut aussi savoir qu’un simple récépissé de préfecture, papier qui témoigne du fait que vous avez un dossier en cours, peut aussi faire l’objet de trafics.
Comment les filières fonctionnent-elles ?
Essentiellement via des rabatteurs qui sont introduits par le bouche-à-oreille auprès des communautés de clandestins. Ces gens montent et préparent les dossiers. Ce qu’il est urgent de comprendre, c’est que ce problème de corruption de fonctionnaires ne va pas disparaître. Au contraire, il risque de s’accroître car la demande de papiers va devenir
de plus en plus forte. La loi qui vient en lecture à l’Assemblée nationale en mai, pour réformer le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), aura pour conséquence d’augmenter le nombre de clandestins et devrait donc faire les beaux jours de la corruption et des filières d’immigration clandestine.