Nicolas Sarkozy veut expulser les étrangers impliqués dans les violences urbaines

index,  Laetitia Van Eeckhout,  11/11/2005

Selon le ministère de l’intérieur, cette mesure ne signifie pas le retour de la double peine puisque des étrangers pourront être renvoyés même sans condamnation.

Le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, a adressé, mercredi 9 novembre, dans la soirée, un télégramme aux préfets pour leur demander d’expulser tous les étrangers interpellés dans le cadre des violences urbaines des treize derniers jours, même ceux titulaires d’un titre de séjour. « Quand on a l’honneur d’avoir un titre de séjour, le moins que l’on puisse dire c’est que l’on n’a pas à se faire arrêter en train de provoquer des violences urbaines ! », a-t-il lancé aux députés lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale en leur annonçant vouloir expulser les étrangers fauteurs de troubles.

Sur les 1 800 personnes  interpellées depuis le 27 octobre, 120 jeunes étrangers, dont la majorité sont en situation régulière sont directement concernés. Si l’administration peut reconduire à la frontière les personnes en situation irrégulière, elle peut aussi « engager une procédure d’expulsion sur la base d ‘arrêtés préfectoraux ou ministériels en fonction de la gravité de la menace représentée par le comportement des ressortissants étrangers », comme le rappelle le télégramme adressé par le ministre de l’intérieur aux préfets, mercredi soir.

Les associations des droits de l’hom­me ont aussitôt réagi et dénoncé unani­mement un retour de la double peine. Au-delà de l’illégalité manifeste de cette démarche, M. Sarkozy continue à s’en prendre aux étrangers et à en faire des boucs émissaires. Il avoue que, loin d’être abolie, la double peine est toujours d’actualité , dénoncent dans un communiqué commun une vingtaine d’organisations associatives et syndicales, auxquelles se sont joints le Parti communiste français, les Verts et la ligue communiste révolu­tionnaire (LCR).

Mais Place Beauvau, on ne cesse depuis hier soir de marteler le message : « On ne revient pas sur la double peine. »

Ce qu’on appelle communément « double peine », c’est l’expulsion d’un étranger condamné par les tribunaux. Or là, dans l’entourage du ministre, on assure qu’il s’agit d’une expulsion sim­ple ». Le ministère ne s’interdit ainsi pas d’expulser des personnes sans qu’elles aient été condamnées.

En fait, après avoir parlé devant les députés de personnes « condamnées », c’est-à-dire jugées par la justice, le ministre de l’intérieur semble avoir ajus­té son discours et dans la soirée on ne parlait plus que d’« interpellés », place Beauvau.

Reste que si dans le cas d’une « mena­ce grave à l’ordre public », la loi autorise le préfet ou le ministre de l’intérieur lui-même à prononcer un arrêté d’expul­sion. l’application de cette mesure est juridiquement et politiquement délica­te.

En 1994, Charles Pasqua qui était ministre de l’intérieur à l’époque, s’est heurté à la difficulté. Au lendemain des grandes manifestations contre le contrat d’insertion professionnelle (CIP), il avait renvoyé « en urgence absolue » deux manifestants algériens soupçonnés d’avoir jeté des pier­res sur des policiers à Lyon.

Mais le tribunal adminis­tratif, puis le Conseil d’État l’avaient désavoué. Et les deux Algériens renvoyés dans leur pays étaient reve­nus en France.

Depuis 1994, l’exercice est encore plus délicat. Dans sa loi du 26 novembre 2003 sur l’immigration, Nicolas Sarkozy a prévu des protec­tions particulières, contre ce type d’expulsion, pour certai­nes catégories de personnes. Ainsi notamment, les jeunes arrivés en France avant l’âge de treize ans ou ceux ayant des attaches familiales fortes bénéfi­cient d’une protection très élevée qui tend désormais quasiment impossible leur expulsion.

« Elle n’est cependant pas absolue », souligne-t-on dans l’entourage du minis­tre où l’on rappelle que la loi prévoit que cette protection peut être remise en cause par un comportement «consti­tuant des actes de provocation explicite et ‘délibérée (…) à la violence contre une per­sonne déterminée ou un groupe de personnes ». « Il s’agira d’apprécier, au cas pas cas, la gravité de l’atteinte à l’ordre publique. C’est une question d’appréciation juridique des faits », explique-t-on au cabinet du ministre.

« Le ministre de l’inté­rieur joue sur l’effet d’annonce. Nicolas Sarkozy va prendre des arrêtés d’expulsion pour montrer sa fermeté, et puis il verra si dans quelques mois les tribunaux administratifs jugent injustifiés ces mesu­res », dénonce Stéphane Maugendre, vice président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).

Mercredi 9 novembre, le député UMP Jean-Paul Garaud a annoncé qu’il allait déposer une proposition de loi don­nant aux tribunaux la possibilité de « déchoir de la nationalité française » les étrangers naturalisés « qui participent à la guérilla urbaine ». Selon l’élu, les fau­teurs de troubles cherchent à « détruire la nation française » et expriment « leur rejet de la France ».

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