La garde-à-vue est-elle attentatoire aux libertés?

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_DSC0040La garde à vue appartient au système inquisitorial du Moyen Age: on y « pose la question ». Rien de plus. Son but unique est d’extorquer l’aveu, ce qui rejaillit inévitablement sur le futur procès. 90% des dossiers judiciaires sont traités par la seule police, et arrivent directement devant les tribunaux sans passer par le filtre du juge d’instruction: la loyauté du débat judiciaire s’en trouve donc affectée.

L’aveu prime, alors qu’un recours plus systématique aux investigations de la police scientifique permettrait d’en réduire l’importance. Au Canada, en Grande-Bretagne, les policiers ont pour seule mission de maintenir le « gardé à vue » à la disposition du juge, sans procéder à un quelconque interrogatoire. En Ecosse, la procédure ne dure pas plus de six heures, pour parfois deux jours chez nous. La pratique qui consiste à retenir de simples témoins dans des locaux de police est scandaleuse: elle constitue un moyen de pression intolérable sur des gens qui, le plus souvent, ne comprennent pas ce qui leur arrive. Avant de porter atteinte à la liberté d’une personne, on doit être sûr qu’elle détient des informations graves pouvant disparaître. Et si c’est le cas, du simple point de vue de la morale judiciaire, le juge se doit d’entendre lui-même ce témoin important.

Il faut réformer la garde à vue, en se mettant enfin en accord avec la Convention européenne des droits de l’homme, laquelle a fixé le principe d’une « arrestation en vue d’être conduit aussitôt devant le juge ». Ce dernier n’a pas le don d’ubiquité. Il doit être assisté par la police et lui déléguer certains de ses pouvoirs, mais point n’est besoin de priver un homme de sa liberté pour recevoir son témoignage. La France a déjà été condamnée par la Cour de Strasbourg pour mauvais traitement durant la garde à vue. Ceux qui soutiennent, malgré tout, que les garanties du droit suffisent à faire de la garde à vue une procédure parfaitement cadrée ne sont pas honnêtes. Je suis avocat et je sais de quoi je parle: j’affirme qu’on continue à y pratiquer, à l’occasion, le « tabassage ».

Stéphane Maugendre, Avocat, membre du bureau national du Syndicat des avocats de France.

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