Verena von Derschau, 03/09/2000
C’EST LÀ première femme policier tuée dans l’exercice de ses fonctions. Dans la nuit du 19 au 20 février 1991, la fonctionnaire de 27 ans, alors assise dans un véhicule de service garé à l’entrée du périphérique, surveille un radar. Soudain, elle est abattue à coups de fusil de chasse par des inconnus embarqués dans une Austin Métro arrivant de la porte de Clignancourt. Neuf ans après, le procès des deux assassins présumés de Catherine Choukroun et de leur complice s’ouvre mercredi devant la cour d’assises de Paris. Sur le banc des accusés, Nathalie Delhomme, Aziz Oulamara et Marc Petaux, tous soupçonnés d’avoir participé à l’équipée meurtrière. Ils comparaissent à la suite d’une enquête longue et qualifiée de « cafouilleuse » par la défense. Pendant six ans, de nombreuses pistes ont été explorées sans jamais aboutir.
Tout s’accélère, en janvier 1997, sur un coup de fil anonyme. Une mère maquerelle de la rue Saint-Denis informe les policiers d’une rumeur circulant dans le milieu : le crime du périph aurait été perpétré par deux videurs de bar circulant dans un véhicule volé. A bord également, une prostituée.
Les premiers soupçons des enquêteurs se portent sur Nathalie Delhomme et Aziz Oulamara. Ils avaient déjà été impliqués en 1987 dans le meurtre du souteneur de Nathalie. Dès sa première audition en garde à vue, la prostituée, accusée aujourd’hui de complicité d’assassinat, admet avoir été dans la voiture des agresseurs le 20 février 1991. Elle reconnaît qu’elle était à cette époque « camée en permanence ». Elle se rétractera par la suite, disant avoir été menacée par les policiers de ne plus revoir son fils. Nathalie est en détention provisoire depuis trois ans, << alors que la position qu’elle a adoptée en garde à vue, qu’elle soit spontanée ou suggérée, faisait d’elle rien d’autre qu’un témoin », s’indigne aujourd’hui son avocat, Me Yves Moreuil. « C’est une enquête basée sur des rumeurs et beaucoup de zones d’ombre subsistent dans le dossier », dénonce son confrère Me Françoise Luneau, défenseur d’Aziz Oulamara. Son client, qu’elle décrit comme quel-qu’un qui « s’est sacrifié pour sa famille en élevant ses quatre frères et sœurs » a également avoué le crime avant d’en livrer par la suite différentes versions.
« C’est une technique de défense », sourit Me Stéphane Maugendre, représentant d’Emile Hubbel, collègue de Catherine Choukroun, et blessé ce soir-là. Son avocat s’attend à un procès difficile en raison de l’état psychologique très I fragile de son client. « Vous vous rendez compte, il surveillait tranquillement un radar quand sa jeune collègue s’écroule sur lui et meurt ! Et on ne sait pas quelles versions les accusés vont nous donner. Donc, il faut préparer M. Hubbel à un éventuel acquittement ».
Acquittement que compte demander Me Hervé Témime, l’avocat du troisième accusé, Marc Pétaux. « Mon client n’a jamais rien avoué. C’est Oulamara qui l’a mis en cause. Ce dossier ne contient pas un élément matériel, pas une preuve, pas un témoin. C’est un acte purement gratuit, sans mobile, qui laisse une place au vrai doute. » S’il admet le «passé tumultueux» de Marc Petaux, il refuse de voir en lui un coupable. Il met les propos d’Aziz Oulamara, dénonçant Marc Petaux, sur le compte de la vengeance. Marc Petaux a en effet témoigné à charge contre Aziz dans l’affaire du meurtre du souteneur de Nathalie.
L’accusation estime elle qu’on peut discerner «l’existence d’un dessein homicide prémédité » et ce avec la complicité de Nathalie Delhomme. Marc Petaux, déjà condamné à neuf reprises, et Aziz Oulamara, condamné six fois, sont décrits comme des individus violents. Pour leur part, les psychiatres considèrent les trois coaccusés comme « exempts de toute anomalie mentale ». Oulamara est présenté comme une « personnalité très peu affirmée capable d’agir bien ou mal au gré des rencontres ». Quant à Marc Petaux, les experts ont relevé un « recours fréquent à la délinquance et une absence de frein dans les passages à l’acte caractéristique d’une personnalité psychopathique ». Nathalie Del homme est traitée d’« inadaptée aux règles sociales et morales». Devant la cour d’assises de Paris, les trois! accusés encourent la réclusion criminelle à perpétuité.