propos recueillis par Corine Chabaud, octobre 1998
Elle avait 20 ans et voulait vivre en Belgique. Sémira Àdamu, Nigériane rebelle, est morte le 22 septembre, étouffée avec un coussin par deux gendarmes chargés de son rapatriement. Du coup, le ministre belge de l’intérieur a démissionné. En France, chaque année, 12 000 étrangers en situation irrégulière sont éloignés du territoire. Stéphane Maugendre, avocat et vice-président du Groupe d’information et des immigrés (Gisti), fait le point sur les méthodes françaises d’ex-pulsion de sans-papiers.
« La mort de la jeune Nigériane n est pas étonnante : nous sommes souvent saisis de plaintes pour violences subies dans les pays de l’espace Schengen. Même si ce n est pas systématique, la France use aussi de pratiques violentes. Dans les avions, les sans- papiers sont parfois ligotés. On leur lie les mains avec du Scotch ou des menottes. On leur attache les pieds, parfois fixés à la barre du siège avant. On leur met un bâillon, en principe une bande Velpeau qui les étrangle quand ils bougent trop. Parfois, des policiers escortent les récalcitrants avec des mitraillettes ou des chiens. La technique du coussin ou de la couverture sur la tête est aussi pratiquée. Nous n’avons pas de preuve mais on nous a signalé des cas de personnes endormies avec des piqûres ou des médicaments administres de farce »
« Notre législation est sévère : pour un refus d’embarquer; les personnes en situation irrégulière risquent trois ans de prison. Pour inciter au départ des sans-papiers, la France a réactualisé récemment un système d’aide au retour, qui reste in-efficace. Les expulsions ne sont pas toujours faites dans le respect de la dignité humaine et coûtent cher, car deux policiers raccompagnent la personne dans son pays ».