« Vous avez raté votre coup, Mme Bitach. Quand on est brûlé sur 30% de son corps au troisième degré, on est mort. Odile devrait être morte, et pourtant elle est bien là! Elle est même plus belle qu’avant. Car pendant ces trois jours d’audience, elle a été extraordinaire. A aucun moment elle n’a eu de haine envers vous », lance Martine Bouillon, l’avocat général, dans un réquisitoire aussi sévère qu’émouvant Le procès de Nadira Bitach, trente-sept ans, accusée d’avoir transformé en torche vivante Odile Mansfield, dix-huit ans, un soir de mai 1993, touche à sa fin. La cour d’assises de Seine-Saint-Denis, après quatre heures de délibéré, a rendu son verdict : douze ans de réclusion criminelle.
Bien avant l’annonce du verdict, Nadira Bitach ne bronche plus, repliée sur elle-même dans le box, un mouchoir en papier sans cesse roulé en boule dans sa main. Alors qu’on l’avait vue véhémente et vindicative les deux jours précédents (Voir nos éditions de mardi et mercredi), elle semble maintenant éteinte.
« Elle a fait de vous quelqu’un de grand »
«Odile Mansfield, vous avez été d’une dignité et d’une sagesse exemplaires», poursuit l’avocat général, apportant peut-être, à travers ses propos, une première pierre à la reconstruction
psychologique de la jeune fille.
« Alors qu’elle pensait vous annihiler, Nadira Bitach a fait de vous quelqu’un de grand. D’un courage fabuleux, Odile Mansfield, vous n’avez rien dit à la barre de vos vingt-trois opérations. Vous avez subi pendant ces trois jours le regard des autres posé sur vous, certains uniquement pour constater les dégâts. Mais vous avez une extraordinaire puissance vitale qui fait que vous avez et allez transcender tout cela. Vous ferez de grandes choses, mademoiselle ». Et de réclamer « une peine de quinze ans au minimum » contre Nadira Bitach. Dans la salle, personne ne sourcille.
L’avocat de la partie civile, Me Stéphane Maugendre, plaidant en premier, n’a pas voulu, « par pudeur », détailler le calvaire d’Odile depuis cette agression. Pour lui, « Nadira Bitach s’en est prise à Odile, voyant qu’elle ne pouvait pas atteindre la mère de celle-ci», autrefois son amie, mais qui avait rompu toute relation à cause des trafics douteux du concubin de Nadira. La mère d’Odile était devenue, selon l’avocat, « l’objet de la haine de l’accusée », qui aurait alors préparé son acte, un bidon d’essence toujours à portée de main.
Puis, Nadira Bitach aurait pensé à se forger des mobiles —la protection de sa famille — et une défense — sous traitement médicamenteux pour dépression —, elle se pensait à l’abri des poursuites.
Il aura fallu plus de deux heures à Me Forster pour tenter de redorer l’image donnée par sa cliente. Se plaçant au centre du tribunal pour mieux toucher l’ensemble des jurés, l’avocat de la défense s’efforce de démonter point par point les accusations.
« La maladie, ça ne se condamne pas »
« L’acte de ma cliente est insensé : on ne peut pas le comprendre. Et s’il n’y avait pas de raison, c’est qu’elle n’avait plus sa raison. » Préméditation ? Impossible, selon Lev Forster, car « rien n’était réfléchi! de sang-froid». Selon lui, bourrée d’antidépresseurs et autres anxiolytiques par son généraliste, Nadira Bitach n’avait plus de discernement « La maladie, ça ne se condamne pas, ça se soigne. »
Les jurés en ont finalement jugé autrement, même s’ils n’ont pas reconnu la préméditation.