Francoise Guignard, 11/10/1988
Me Stéphane Maugendre, avocat au barreau de Bobigny, le docteur Françoîs Martin, médecin hospitalier à Dreux, accompagnés de Mme Magalie Molinié, journaliste, reviennent de Turquie, où ils ont enquêté sur la situation des droits de l’homme. Ils étalent invités à Ankara par l’association des droits de l’homme de cette ville : « insan Haklari Denergi» et mandatés par la fédération d’Eure-et-Loir du M.R.A.P.
Hier, ces trois témoins étaient à Dreux, à l’invitation de l’association des travailleurs turcs (A.T.T)
« Ce n’est pas par hasard qu’un médecin drouais a fait partie de cette mission », explique le docteur Martin, pneumologue au centre hospitalier : « A Dreux, vit une forte communauté turque, principalement kurde. Professionnellement, je rencontre des patients disant avoir été victimes de sévices et présentant une pathologie particulière, par exemple des tuberculoses ».
La docteur Martin était allé en Turquie en 1984. Pour le compte de la Fédération internationale des droits de l’homme, il avait essayé d’enquêter sur les conditions de détention de grévistes de la faim détenus à Ankara.
Si, en 1984, le médecin drouais s’était fait raccompagner par la* police, cette nouvelle mission, qui s’est déroulée an septembre der¬nier, a pu es dérouler normalement, Il faut dire qu’elle s’est jointe h un groupe de parlementaires allemands de la S.P.D. et des Verts.
En cinq jours, les trois français ont assisté à une des audiences publiques (seulement trois matinées par semaine) du célèbre procès de Dev Yol, qui dure depuis huit ans. Ils ont rencontré le directeur du cabinet du ministre de la Justice pendant une heure et demie, « entrevue décevante ». Ils ont vu des familles de prisonniers : « Leur détermination et leur dénuement m’ont frappée », dit notre consœur Magall Molinié. Ils ont eu contact avec l’association des’ médecins turcs, qui ne peut intervenir que dans les prisons civiles, des avocats dont deux s’occupent des procès de Dev Yol d’une part, et du P.K.T. d’autre part, ainsi qu’avec des anciens dirigeants de la principale association d’enseignants.
Un hangar pour prétoire
L’avocat français a eu du mal à reconnaître la justice tant au procès se déroulant dans un hangar, entouré de militaires en armes, qu’à travers les dossiers qui lui ont y été traduits : « Plusieurs personnes s’accusant du même crime alors que certaines sont en prison, que d’autres se trouvaient à des centaines de kilomètres. » Les conditions de la défense, l’indépendance de la magistrature, le contenu 1 de certains articles du Code pénal, tout lui parait loin des principes de la démocratie. Les trois chargés de mission français sont unanimes pour ne pas croire à la démocratie an Turquie, pays qui a ratifié la Convention européenne des droits de l’homme dés 1864 et la Convention Internationale de l’ONU en 1988.