Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls s’est montré inflexible vendredi face à la grogne croissante des sans-papiers qui demandent à être régularisés, et aux critiques des défenseurs des étrangers qui le pressent de changer de cap.
« Nous n’allons pas régulariser 50, 100, 200 ou 300 dossiers parce qu’il y a une action des associations », a-t-il déclaré à l’AFP. « Il y a des règles, elles doivent s’appliquer. »
« Je lance un appel à la responsabilité, y compris sur l’action des associations », a-t-il insisté, alors que des sans-papiers, dont certains en grève de la faim depuis 71 jours, investissaient la mairie de Lille.
Une trentaine de sans-papiers occupaient de leur côté la Bourse du travail de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). D’autres s’étaient installés quelques heures mercredi dans l’église de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), après des mouvements similaires à Paris à la nonciature, au siège du PS, dans un centre des impôts…
Si Manuel Valls a exclu de céder à ces pressions, il a promis que les dossiers seraient examinés quand les situations des sans-papiers entrent dans les critères fixés dans une circulaire le 28 novembre (5 ans de présence sur le territoire, des enfants scolarisés depuis trois ans, un travail effectif, etc.).
Cette circulaire a semé la discorde entre Manuel Valls et les défenseurs des étrangers, qui avaient fondé de grands espoirs sur l’arrivée de la gauche au pouvoir.
Malgré quelques « améliorations », « la logique des critères pour obtenir un titre de séjour reste restrictive », a estimé vendredi le président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), Pierre Tartakowsky, en demandant une « nouvelle orientation de la politique gouvernementale vis-à-vis des étrangers ».
« M. Valls, une circulaire ne suffit pas, c’est la loi qu’il faut changer », ont renchéri un collectif rassemblant notamment la Cimade, la CGT Paris, le Mrap ou encore RESF, qui plaide pour une « véritable rupture avec la politique antérieure ».
« Grande frilosité »
Sans tarder, le ministre leur a opposé une fin de non-recevoir. « Les associations, dont je peux comprendre l’engagement, veulent une régularisation massive. Avec ce gouvernement, elle n’aura pas lieu », a redit Manuel Valls.
La circulaire ne devrait pas permettre plus de 30.000 régularisations par an, soit un niveau équivalent à celui des dernières années.
Un autre chiffre hérisse les défenseurs des étrangers: celui des éloignements forcés. Le ministère de l’Intérieur a estimé qu’un nouveau record avait été franchi en 2012 avec environ 35.000 expulsions, selon un bilan provisoire.
« Nous sommes dans la continuité de la politique menée par le ministre de l’Intérieur précédant Claude Guéant », en concluait cette semaine le président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Stéphane Maugendre, dans la lettre hebdomadaire Témoignage Chrétien.
Pour Manuel Valls, « la comparaison est absurde sur le fond et sur la forme ».
Et le ministre d’énumérer les réformes saluées par les mêmes militants: l’abrogation du délit de solidarité en cas d’assistance à un sans-papiers, la suppression de la circulaire Guéant qui compliquait le maintien sur le territoire des diplômés étrangers, les alternatives au placement en rétention pour les familles avec enfants, la relance des naturalisations…
« Dans l’ensemble, il y a effectivement eu des progrès sur le plan des symboles: on n’utilise plus la politique migratoire pour capter les voix du Front national », a estimé la spécialiste de l’immigration Catherine Withol de Wenden, chargée de recherche au CNRS.
Mais, pour elle, « dans la pratique, on reste encore dans une très grande frilosité, peut-être pour éviter de paraître trop généreux dans un contexte hostile aux étrangers ».