Émilien Urbach, 15/12/2014
Plus de deux ans après son élection, le chef de l’État prononcera, dans la journée, son premier discours sur l’immigration. Taclant Nicolas Sarkozy, il inaugurera par ailleurs la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Ce musée voulu par Jacques Chirac, en 2003, avait ouvert ses portes au public en octobre 2007. Nicolas Sarkozy avait refusé de se rendre à l’événement après que huit des douze membres du comité scientifique du musée eurent démissionné pour marquer leur indignation face à la création du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Ce choix symbolique de François Hollande provoquera sans doute de la discorde à droite, mais ne suffira certainement pas à calmer la déception de la gauche qui, en matière d’immigration, espérait une rupture nette avec les années Sarkozy-Besson-Guéant.
« Le fantasme de l’invasion »
Si la réforme de l’asile qui sera adoptée mardi par les députés comporte, malgré le manque de moyens, de vraies avancées, le projet de loi sur l’immigration, présenté en juillet en Conseil des ministres et qui devrait bientôt être débattu à l’Assemblée, lui, ne rompt pas avec les logiques sarkozystes. Les associations de défense des étrangers sont extrêmement critiques sur ce dossier. « La gauche de 2014 n’a pas l’intelligence et le courage de celle des années 1980 qui avait accordé aux immigrés la carte de résident valable dix ans, dénonce le président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Stéphane Maugendre. Les politiques migratoires actuelles sont basées sur le fantasme de l’invasion. On est dans la continuité des gouvernements précédents. » L’avocat pointe les aspects indignes d’une réelle politique de gauche. Comme, par exemple, la durée de rétention administrative maintenue à quarante-cinq jours ; la création de salles d’audience, dans les zones d’attente, instituant une justice spécifique aux étrangers ; ou encore le pourcentage d’expulsions sans l’intervention d’un juge, qui était de 54 %, en 2013. Viennent s’y ajouter les discours stigmatisants de Manuel Valls à l’encontre des Roms, la construction par Bernard Cazeneuve, à Calais, d’une barrière, qualifiée de « mur de la honte » par les associations, ou encore la promotion de l’opération « Triton », menée par Frontex, l’agence européenne de contrôle aux frontières, qui vient par ailleurs, de nommer son nouveau directeur exécutif. L’heureux élu n’étant autre que Fabrice Leggeri, sous-directeur de la lutte contre l’immigration irrégulière au ministère de l’Intérieur… français ! Il reste que l’inauguration du musée constitue, selon l’historien Benjamin Stora, « un geste symbolique fort ».