La circulaire sur les Roms sème le trouble dans le gouvernement

images 2  Jean-Baptiste Vey et Thierry Lévêque

Une circulaire du ministère de l’Intérieur ciblant les Roms sème le trouble entre deux membres du gouvernement français et entraîne une bataille judiciaire sur une politique d’expulsions vivement critiquée.

Cette circulaire du 5 août signée par Michel Bart, directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, montre que cette ethnie a bien été visée dans le démantèlement des camps, contrairement aux dénégations du gouvernement.

« Trois cent campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d’ici trois mois, en priorité ceux des Roms », peut-on lire dans ce texte publié par des médias.

« Il revient donc, dans chaque département, aux préfets d’engager (…) une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux de Roms. »

Des organisations de défense des droits de l’homme estiment que l’action du gouvernement est juridiquement illégale, puisqu’une catégorie de population est visée en tant que telle et non des individus qu’on incriminerait pour certains faits.

Lors d’une conférence de presse sur son bilan, le ministre de l’Immigration Eric Besson a assuré qu’il n’avait pas connaissance de cette circulaire et l’avait découverte dans la presse. Il a fait remarquer qu’elle émanait non du ministre mais de son directeur de cabinet qui en serait donc responsable.

Il la juge contraire au droit français et international, mais précise que les expulsions vont se poursuivre.

« La France poursuivra la mise en oeuvre de ces éloignements d’étrangers en situation irrégulière, quelles que soient leur origine ethnique ou leur nationalité », a-t-il dit.

« Ces mesures sont toujours prises sur une base individuelle, en application de la loi de la République et des traités européens et internationaux », a-t-il précisé.

TROIS VOLS VERS BUCAREST EN SEPTEMBRE

Eric Besson a confirmé qu' »en droit français, les ethnies n’existent pas ».

Il a cependant nié toute divergence avec Brice Hortefeux et expliqué qu’il avait émis en juin avec lui une autre circulaire ne mentionnant pas explicitement les Roms.

Eric Besson a annoncé que les expulsions se poursuivraient et que trois vols spéciaux partiraient vers la Roumanie dès ce mardi, jeudi prochain et le 30 septembre.

Le ministère de l’Intérieur n’a fait aucun commentaire sur la circulaire contestée qui demande aussi aux préfets de médiatiser les actions de démantèlement de camps.

Eric Besson a sur ce point condamné non la médiatisation, mais les médias, pour avoir filmé les départs. « Ce sont des images irrespectueuses de la dignité des personnes », a-t-il dit.

Le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon, a estimé qu’Eric Besson ne pouvait pas ignorer la circulaire.

« A l’indignité de cette politique, le ministre de l’Immigration en rajoute avec l’indignité de son comportement », a-t-il dit lors du point de presse du PS.

Le Gisti, une association d’aide aux immigrés, a commencé la rédaction d’un recours au Conseil d’Etat pour faire annuler la circulaire du ministère de l’Intérieur, a dit lundi à Reuters son président Stéphane Maugendre. Le Parti socialiste et d’autres organisations demandent le retrait du texte.

Eric Besson a confirmé que le gouvernement présenterait au Parlement trois propositions de dispositions législatives qui peuvent concerner les Roms, sans qu’ils soient cités.

Elles réprimeront « l’abus au court séjour », permettant l’expulsion de citoyens européens représentant une « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » – une notion juridiquement floue – ou pour « menace à l’ordre public en raison d’actes répétés de mendicité agressive ».

L’autre problème juridique lié aux expulsions de Roms est en effet que, s’agissant de citoyens européens, ils ont liberté de court séjour pour trois mois et de circulation. Même lorsqu’ils touchent 300 euros d’aide au retour comme c’est le cas avec la France, ils peuvent donc y revenir en toute légalité.

Une commission de l’Onu, le Parlement européen, le Vatican et la Roumanie ont émis des réserves plus ou moins sévères sur la politique envers les Roms.

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