Un texte du ministère de l’Intérieur demande aux préfets de cibler expressément les campements de Roms, alors que le ministre de l’Immigration a toujours assuré qu’il n’y avait pas de mesures spécifiques à leur encontre.
Si Eric Besson a répété lundi qu’il n’était «pas au courant» de la circulaire du ministère de l’Intérieur visant explicitement les Roms, Xavier Bertrand, lui, en «assume tout à fait» la teneur. Elle est «la traduction de notre politique», a indiqué le secrétaire général de l’UMP sur RMC, fustigeant au passage l’opposition et les organisations qui se sont élevées contre la politique de la France: ce qui «me choque, c’est l’hypocrisie du Parti socialiste, l’hypocrisie de ces associations de bien pensants», a-t-il lancé.
«La France n’a pris aucune mesure spécifique à l’encontre des Roms», a répété ces dernières semaines le ministre de l’Immigration Eric Besson, arguant qu’en matière d’expulsions la France ne raisonne pas en termes de minorités mais de ressortissants, bulgares ou roumains, en situation régulière ou non. Pourtant, une circulaire du ministère de l’Intérieur aux préfets sur les «évacuations de campements illicites», que se sont procurés plusieurs médias, cible expressément les Roms.
En préambule, cette circulaire datée du 5 août 2010 et signée par Michel Bart, le directeur de cabinet du ministre de l’intérieur, rappelle aux préfets les «objectifs précis» fixés par le président Nicolas Sarkozy: «300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d’ici trois mois, en priorité ceux des Roms».
Opérations concernant «prioritairement les Roms»
«Il revient donc, dans chaque départements, aux préfets d’engager (…) une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux de Roms», dit le texte.
«Les préfets de zone s’assureront, dans leur zone de compétence, de la réalisation minimale d’une opération importante par semaine (évacuation / démantèlement / reconduite), concernant prioritairement les Roms», poursuit la circulaire qui est accompagnée d’un tableau type.
Le ministre de l’Immigration Eric Besson a affirmé ce lundi sur France 2 qu’il n’était «pas au courant» de la circulaire du ministère de l’Intérieur du 5 août aux préfets ciblant expressément l’évacuation de campements de Roms.
«Je ne connaissais pas cette circulaire», assure-t-il. «Je n’en étais pas destinataire et je n’en avais donc pas à (la) connaître.»
Un argument réfuté par Benoît Hamon, le porte-parole du parti socialiste. «Dois-je lui rappeler que dans le décret de nomination du ministre de l’Immigration, il est précisé dès les premiers alinéas que les politiques d’expulsions des étrangers en situation illégale sont mises en oeuvre par le ministère de l’Immigration et le ministère de l’Interieur?», a-t-il souligné. Pour Benoît Hamon, les démentis d’Eric Besson montre que «la fuite est sans doute l’exercice dans lequel Eric Besson s’illustre le mieux dans la politique française».
«Cette circulaire, elle est à la fois immorale et illégale. Elle est immorale parce qu’une communauté est stigmatisée en tant que telle» et elle «est illégale parce que c’est une discrimination» en infraction avec la Convention européenne des droits de l’Homme, a dénoncé François Hollande, invité de l’émission C politique sur France 5.
«Absence de culture républicaine»
«L’Etat en France ne respecte plus le minimum d’équilibre qu’on est en droit d’attendre des pouvoirs publics dans une République», a accusé François Bayrou sur France info lundi matin.
«Cette circulaire montre clairement l’arrogance et l’absence de culture républicaine du principal collaborateur du ministre de l’Intérieur», a dénoncé Jean-Michel Baylet, président du Parti radical de gauche. Le sénateur du Tarn-et-Garonne «interrogera prochainement le Premier ministre sur les suites qu’il compte donner à cette affaire scandaleuse».
Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), a dit préparer un recours devant le Conseil d’Etat «pour que la circulaire soit annulée». Actuellement, l’ONG «examine» le document pour voir «s’il constitue une infraction pénale».
«Le président Nicolas Sarkozy a été le premier à désigner expressément les Roms. Cette circulaire traduit son discours politique», commente Stéphane Maugendre, président du Gisti. «On vise un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une communauté. On est dans la provocation à la discrimination.»
La circulaire, de fait, a été diffusée dans la foulée des décisions prises par Nicolas Sarkozy fin juillet, qui visaient déjà les Roms. «J’ai demandé au ministre de l’intérieur de mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms, ce sont des zones de non-droit qu’on ne peut pas tolérer en France», avait affirmé Nicolas Sarkozy.
Face aux critiques du parlement européen sur les récentes reconduites à la frontière, Eric Besson assurait jeudi que «les Roms ne sont pas considérés en tant que tels mais comme des ressortissants du pays dont ils ont la nationalité», a-t-il affirmé en assurant que la France «ne met en oeuvre aucune « expulsion collective »».